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POUDRE CACHÉE PAR LES JÉSUITES.

niers, partagent leur temps, à l’imitation des anciennes laures[1].

Il arriva une chose à Namur, après sa prise, qui fit du bruit, et qui auroit pu avoir de fâcheuses suites avec un autre prince que le roi. Avant qu’il entrât dans la ville, où pendant le siège du château il n’auroit pas été convenable qu’il eût été, on visita tout avec exactitude, quoique par la capitulation les mines, les magasins, et tout en un mot eût été montré. Lorsque, dans une dernière visite après la prise du château, on la voulut faire chez les jésuites, ils ouvrirent tout, en marquant toutefois leur surprise, et quelque chose de plus, de ce qu’on ne s’en fiait pas à leur témoignage. Mais en fouillant partout où ils ne s’attendoient pas, on trouva leurs souterrains pleins de poudre dont ils s’étoient bien gardés de parler : ce qu’ils en prétendoient faire est demeuré incertain. On enleva leur poudre, et, comme c’étoient des jésuites, il n’en fut rien.

Le roi essuya, pendant le cours de ce siège, un cruel tire-lesse[2]. Il avoit en mer une armée navale commandée par le célèbre Tourville, vice-amiral ; et les Anglois une autre jointe aux Hollandois, presque du double supérieure. Elles étoient dans la Manche, et le roi d’Angleterre sur les côtes de Normandie, prêt à passer en Angleterre suivant le succès. Il compta si parfaitement sur ses intelligences avec la plupart des chefs Anglois, qu’il persuada au roi de faire donner bataille, qu’il ne crut pouvoir être douteuse par la défection certaine de plus de la moitié des vaisseaux Anglois pendant le combat. Tourville, si renommé par sa valeur et sa capacité, représenta par deux courriers au roi l’extrême danger de se fier aux intelligences du roi d’Angleterre, si souvent

  1. Cellules des solitaires dans l’Orient, formant une sorte de village ; ce furent les premiers monastères.
  2. Vieux mot que l’on écrit ordinairement tire-laisse. Il exprimait le désappointement d’un homme frustré d’une chose qu’il croyait ne point devoir lui manquer.