Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/15

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

caissons de l’armée, sous prétexte d’aller quérir un grand convoi au fort Louis. En effet il revint le même jour avec beaucoup de ces mêmes caissons. Cela trompa et fit croire qu’on séjourneroit encore quelque temps. Le maréchal m’avoit confié son dessein. Notre camp étoit disposé de manière que les ennemis le voyoient en entier, excepté quelques endroits interrompus par des avances de haies et de bois, et les deux brigades de cavalerie qui fermoient la gauche de la seconde ligne de dix-neuf escadrons, Horn et Ligondez dont j’étois, et deux régiments de dragons qui couvroient ce flanc ; mais la gauche entière de la première ligne, qui étoit devant nous, étoit vue en plein. Le 19 juillet, sur les onze heures du matin, toute l’armée eut ordre de charger les gros bagages, une heure après les menus, avec défense de détendre et de rien remuer : à deux heures après midi, nos deux brigades et les dragons nos voisins, que les ennemis ne voyoient pas, comme je viens de l’expliquer, reçurent ordre de détendre et de marcher sur-le-champ sans bruit. La Bretesche, lieutenant général, et Montgomery, maréchal de camp, officiers généraux de la seconde ligne de cette aile, vinrent la prendre et la menèrent au delà des bois par lesquels nous étions arrivés, passer la nuit dans la plaine de Stolhofen, et cependant les gros et menus bagages, l’artillerie inutile et tous les caissons filèrent entre le Rhin et nous. La Bretesche avoit défenses expresses de branler, quelque combat qu’il entendit. La raison en étoit qu’il restoit assez de troupes pour combattre dans un lieu aussi étroit qu’étoit celui d’où on se retiroit ; qu’il falloit une grosse escorte pour tous les bagages de l’armée ; et qu’en cas de malheur, nos troupes se seroient trouvées toutes franches et en bon ordre dans la plaine, pour recevoir et soutenir tout ce qui déboucheroit les bois venant de notre camp.

Sur les six heures du soir, le maréchal monta sur cette hauteur retranchée de sa droite à laquelle il avoit fait travailler exprès tout le jour, et disposa toute son affaire avec