Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/179

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Au retour de M. d’Albret, ce feu couva sous la cendre. On tourna M. de Bouillon, on n’osoit tout dire ; à la fin on vint au fait, et M. d’Albret porta le testament au lieutenant civil. À quelques semaines de là, M. de Bouillon étant allé à Évreux, son fils y envoya lui signifier un exploit par un huissier à la chaîne, qui sont ceux qui peuvent exploiter indifféremment partout et que chacun qui veut emploie, quand on veut faire une signification délicate et forte, parce que ceux-là sont toujours fort respectés et instrumentent avec une grosse chaîne d’or au cou, d’où pend une médaille du roi. Ils sont en même temps huissiers du conseil, et y servent avec cette chaîne. Cette démarche causa un grand vacarme : M. de Bouillon jeta les hauts cris, lit ses plaintes au roi, et lui en dit, dans sa colère, tout ce qu’il put de pis, et il exigea de sa plus proche famille et de ses amis de ne point voir le duc d’Albret. Le roi s’expliqua assez partialement en faveur de M. de Bouillon pour mettre toute la cour de son côté, et ce procédé du fils y mit presque tout le monde, indépendamment de l’esprit courtisan. M. d’Albret, assez gauche et assez empêtré de son naturel, n’osa presque plus se montrer, quoique fort soutenu de M. de La Trémoille, son beau-père, et cette affaire le renferma fort dans l’obscurité et dans la mauvaise compagnie, quoiqu’il eût beaucoup d’esprit, et même fort orné, mais avec cela peu agréable.

Un arrêt du parlement de Dijon fit en même temps un grand bruit. Il fit brûler le curé de Seurre, convaincu de beaucoup d’abominations, en suite des erreurs de Molinos et fort des amis de Mme Guyon. Cela vint fort mal à propos en cadence avec la réponse de M. de Cambrai aux États d’oraison de M. de Meaux, qui n’eut rien moins que le succès et l’applaudissement qu’avoit eus ce livre, et qu’il conserva toujours. M. de Paris avoit, quelque temps auparavant, fait une visite aux ducs de Chevreuse et de Beauvilliers. Ils avoient su la belle action qu’il avoit faite à