Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/228

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une si lourde bêtise, et ce que put devenir un si profond ignorant.

On a vu en son temps la disgrâce, puis la mort de Daquin, premier médecin du roi. Il avoit un frère évêque de Fréjus qui étoit un homme fort extraordinaire. Il demanda à se défaire de son évêché en faveur de son neveu. Tout fut bon au roi pourvu qu’il se démît, et l’abbé Daquin d’ailleurs avoit plu au roi dans l’exercice de son agence du clergé. L’oncle ne fut pas longtemps d’accord avec lui-même, et il vexa tellement et si mal à propos son neveu qu’il abdiqua Fréjus pour n’avoir point à lutter contre son oncle. Le roi approuva fort ce procédé, et trouva celui du vieil évêque extrêmement mauvais. Séez vint à vaquer tout à propos, et fut donné au neveu, et en même temps l’oncle eut ordre de désemparer de Fréjus et de laisser les lieux libres. Voilà donc Fréjus tout à fait vacant.

L’abbé Fleury languissoit après un évêché depuis longues années, le roi s’étoit buté à ne lui en point donner. Il n’estimoit pas sa conduite, et disoit qu’il étoit trop dissipé, trop dans les bonnes compagnies, et que trop de gens lui parloient pour lui. Il l’avoit souvent refusé. Le P. de La Chaise y avoit échoué, et le roi s’étoit expliqué qu’il ne vouloit plus que personne lui en parlât davantage. Il y avoit quatre ou cinq ans qu’après une longue espérance le pauvre abbé étoit tombé dans cette espèce d’excommunication, et il la comptoit d’autant plus sans ressource qu’il avoit essayé la faveur naissante de M. de Paris qui n’avoit pas mieux réussi que les autres, en sorte que le pauvre garçon ne savoit que devenir. Il étoit sans bien et presque sans bénéfices, il étoit trop petit compagnon pour quitter sa charge par dépit ; et la garder aussi sans espérance, c’étoit le dernier mépris. Son père était receveur des décimes du diocèse de Lodève. Il s’étoit fourré parmi les valets du cardinal Bonzi, dont il avoit obtenu la protection du temps de sa faveur à la cour et qu’il pouvoit tout en Languedoc. L’abbé Fleury étoit fort