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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/353

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de ma part, froides mais polies de la sienne et qui sembloit désirer ce que je souhaitois, je conclus par lui dire qu’il n’y avoit donc de parti à prendre que de s’en aller à Paris au sortir du lever comme pour quelque affaire pressée, ou de faire le malade, et que puisque le roi trouvoit bon que M. de Bouillon se tînt à Évreux sans l’être ni le faire, le roi ne trouveroit pas plus mauvais qu’il le fit s’il ne croyoit pas qu’il le fût. Tout fut inutile, son parti étoit pris. Je descendis chez le duc de Béthune ; je ne trouvai que son fils, à qui je contai ce que je venois de faire et de voir. Il me rassura sur ce que M. de Chevreuse en devoit parler au roi à l’issue de son lever. En effet il réussit, et le roi dit publiquement tout haut au marquis de Gesvres, dans son cabinet, allant donner l’ordre, que ce seroit lui qui serviroit à l’hommage au lieu de son père. Tout le monde l’entendit et le débita sur-lechamp.

Le duc de Gesvres, qui l’avoit oui comme les autres, laissa sortir tout le monde, puis harangua si bien le roi qu’il consentit qu’il fît la fonction. Voilà bien de la bassesse et de la friponnerie gratuites, mais ce n’est encore rien.

Deux jours après je fus averti par la comtesse de Roucy qu’il y avoit grande rumeur contre moi au Palais-Royal ; que Madame avoit parlé fort aigrement de moi à la comtesse de Beuvron ; et que la chose étoit à un point que j’y devois mettre ordre. J’allai trouver la comtesse de Beuvron, qui me conta que le duc de Gesvres, non content de faire la fonction de l’hommage, avoit fait sa cour au roi à mes dépens, et lui avoit raconté d’une manière burlesque tous les pas que j’avois faits auprès de lui pour l’en empêcher, jusqu’à lui vouloir faire jouer une apoplexie, de quoi il s’étoit très-bien gardé, à son âge et de sa taille, de peur que l’apoplexie ne se vengeât et de mourir comme Molière ; qu’il avoit ajouté à cela, sur son compte, toutes les prostitutions qui se peuvent proférer, et qu’il n’avoit surtout rien oublié pour me sacrifier d’une manière complète ; qu’au partir de