Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/40

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de la grâce de M. d’Harlay, qui, malgré ses deux collègues, trancha du premier, quoique les deux autres aient beaucoup souffert de ses avis et de ses manières, et qu’ils aient eu la sagesse de n’en venir jamais à aucune brouillerie. J’ai ouï assurer ce fait souvent à Callières, qui ne s’en pouvoit consoler. L’empereur et l’empire à leur ordinaire ne voulurent pas signer avec les autres, mais autant valut, et leur paix se fit ensuite telle qu’elle avoit été projetée à Ryswick.

La première nouvelle qu’on eut de sa signature fut par un aide de camp du maréchal de Boufflers qui arriva le dimanche 22 septembre à Fontainebleau, dépêché par ce maréchal, sur ce que l’électeur de Bavière lui avoit mandé que la paix avoit été signée à Ryswick le vendredi précédent à minuit. Le lendemain matin il y arriva un autre courrier du même maréchal, accompagnant jusque-là celui que l’électeur envoyoit porter la même nouvelle en Espagne, et à quatre heures après midi du même lundi, un autre de don Bernard-François de Quiros, premier ambassadeur plénipotentiaire d’Espagne, pour y porter la même nouvelle. M. de Bavière eut la petitesse de faire écrire pour prier qu’on amusât ce courrier de l’ambassadeur, pour donner moyen au sien d’arriver avant lui à Madrid ; et le plaisant est qu’on avoit beau jeu à l’amuser, il n’avoit pas un sou pour payer sa poste ni pour vivre, et le roi lui fit donner de l’argent. On sut par lui qu’il étoit six heures du matin du samedi quand la paix fut signée. Enfin, le jeudi 26 septembre, Celi, fils d’Harlay, arriva à cinq heures du matin à Fontainebleau, après s’être amusé en chemin avec une fille qu’il trouva à son gré et du vin qui lui parut bon. Il avoit fait toutes les sottises et toutes les impertinences dont un jeune fou et fort débauché et parfaitement gâté par son père s’étoit pu aviser, dont plusieurs même avoient été fort loin et importantes, qu’il couronna par ce beau délai ; ainsi il n’apprit rien de nouveau.

Le roi et la reine d’Angleterre étoient à Fontainebleau, à qui la reconnoissance du prince d’Orange fut bien amère,