Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/51

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d’âge fort disproportionné d’elle qui étoit M. d’Armenonville. M. Pelletier le fit travailler sous lui, et lui procura une charge d’intendant des finances. Il a été fort connu dans le monde, et j’aurai occasion d’en parler.

M. Pelletier, outre son fils aîné, en eut deux autres et deux filles mariées à M. d’Argouges et à M. d’Aligre, maîtres des requêtes tous deux. De sa retraite il fit le premier conseiller d’État, l’autre, président à mortier, tous deux fort jeunes, et un de ses fils évêque d’Angers, puis d’Orléans, quoique éborgné jeune d’une fusée à une fenêtre de l’hôtel de ville au feu de la Saint-Jean.

L’autre fut supérieur des séminaires de Saint-Sulpice. C’étoit un cafard qui en bannit la science et y mit tout en misérables minuties. Il usurpa du crédit à force de molinisme et eut souvent part aux grâces ecclésiastiques. Il était lourde dupe et dominoit fort le clergé. C’étoit un animal si plat et si glorieux qu’il disoit quelquefois à ses jeunes séminaristes qu’il malmenoit pour des riens : « Mais vous autres, à qui croyez-vous donc avoir affaire ? savez-vous que je suis fils d’un ministre d’État, et contrôleur général, et frère d’un évêque et d’un président à mortier » et avec cela il croyoit avoir tout dit.

Le roi ne remplit point la place de ministre et donna le soin des postes à M. de Pomponne. Peu de jours après, voyant au conseil des dépêches de Rome qui ne ressembloient pas à celles qu’il avoit accoutumé de recevoir du cardinal de Janson, qui après sept ans de séjour fort utile ne faisoit qu’en arriver, le roi se mit sur ses louanges, et ajouta qu’il regardoit comme un vrai malheur de ne pouvoir pas le faire ministre. Torcy, qui avoit porté les dépêches, mais sans s’asseoir ni opiner encore, crut faire sa cour de dire, entre haut et bas, qu’il n’y avoit personne plus propre que lui, et que dès qu’il avoit le bonheur d’en être estimé capable par le roi, il ne voyoit pas ce qui pouvoit l’empêcher de l’être. Le roi, qui l’entendit, répondit que lorsqu’à la mort du cardinal Mazarin il avoit pris le timon