Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

elle l’eût été, mais elle était grosse ; elle s’apaisa. Ils continuèrent de réputer la duchesse Nicole pour morte, et de vivre ensemble à la face du monde comme étant effectivement mariés, sans qu’il eût jamais été question de dissoudre le mariage de la duchesse Nicole, ni devant ni après, laquelle se réfugia à Paris. Le duc Charles eut donc de ce beau mariage prétendu par lui tout seul une fille d’abord, puis un fils, parfaitement bâtards l’un et l’autre, et universellement regardés comme tels. Ces deux enfants tinrent tout de leur père. Il maria la fille en octobre 1660 au comte de Lislebonne, frère puîné du duc d’Elbœuf, dont elle n’a eu que quatre enfants qui aient vécu. Le prince de Commercy, qui servit toujours l’empereur et le prince Paul, tué à Neerwinden, dont j’eus le régiment, comme je l’ai dit en son temps, tous deux point mariés, et deux filles, Mlle de Lislebonne qui ne l’a point été non plus, et Mlle de Commercy qui épousa en 1691 le prince d’Espinoy, qui sont deux personnes dont j’aurai souvent occasion de parler.

Le fils est M. de Vaudemont dont il s’agit. Charles IV l’éleva auprès de lui, et, comme il le prétendoit toujours légitime, il le fit appeler le prince de Vaudemont, et le nom lui en est demeuré. La sœur et le frère sont pourtant nés du vivant de la duchesse Nicole, qui mourut à Paris longtemps après la naissance de l’une et de l’autre, en février 1657. M. de Vaudemont fut un des hommes des mieux faits de son temps. Un beau visage et grande mine, des yeux beaux et fort vifs, pleins de feu et d’esprit, aussi en avoit-il infiniment, soutenu d’autant de fourbe, d’intrigue et de manège qu’en avoit son père. Il le suivit partout dès sa jeunesse, dans toutes ses guerres, et en apprit bien le métier. Il le suivit aussi à Paris, où sa galanterie fit du bruit à la cour. Il y lia amitié avec le marquis, depuis maréchal de Villeroy, et avec plusieurs seigneurs distingués et qui approchoient plus du roi, surtout avec ceux de la maison de Lorraine dont il captoit fort la bienveillance. Son père le maria à Bar,