Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/101

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privilèges, après quoi le justicier lui prête serment au nom du royaume ; en le prêtant il débute par ces mots : Nous qui valons autant que vous, puis le serment fondé sur celui que le roi vient de prêter et qu’il y sera fidèle, et finit par ceux-ci : sinon, non. Tellement qu’il ne laisse pals ignorer par les paroles mêmes du serment qu’il n’est que conditionnel. Je n’en dirai pas davantage parce que la révolte de l’Aragon et de la Catalogne en faveur de l’archiduc engagea Philippe V à la fin de la guerre d’abroger pour jamais tous les privilèges de l’Aragon et de la Catalogne qu’il a presque réduits à la condition de province de Castille.

Le conseil de Castille se tient à Madrid. Il est composé d’une vingtaine au plus de conseillers et d’un assez grand nombre de subalternes. Il n’y a qu’un seul président qui y doit être fort assidu et qui, pour le courant, lorsqu’il manque par maladie ou par quelque autre événement, est suppléé par le doyen, mais uniquement pour l’intérieur du conseil. Je n’en puis donner une idée plus approchante de ce qu’il est, suivant les nôtres, que d’un tribunal qui rassemble en lui seul le ressort, la connoissance et la juridiction qui sont ici partagées entre tous les parlements et les chambres des comptes du royaume ; ces derniers pour les mouvances[1], le grand conseil, et le conseil privé[2], c’est-à-dire

  1. La mouvance désignait, dans le langage féodal, la suzeraineté d’un seigneur donnaant sur ses vassaux. On disait dans ce sens qu’un fief avait beaucoup de terre dans sa mouvance.
  2. Il a été question, dans la note II placée à la fin du Ier volume de ces Mémoires, les différents conseils que l’on appelait conseils dit roi. Le conseil privé, dont parle ici Saint Simon et auquel seul s’applique le dernier membre de phrase, est le même ne le conseil des parties que le chancelier présidait (Voy. t. Ier, p. 446). Le grand conseil était un tribunal particulier, qu’on ne doit pas confondre avec le conseil d'État de l’ancienne monarchie. Les attributions du grand conseil étaient très-diverses il jugeait la plupart des procès relatifs aux bénéfices ecclésiastiques, les causes évoquées. des parlements, les conflits entre les parlements et les tribunaux inférieurs appelés présidiaux, etc. Le grand conseil fut institué par Charles VIII en 1497. Ce tribunal était primitivement présidé par le chancelier ; mais il eut, dans la suite, un premier président et plusieurs présidents.