Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/12

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et parent proche et ami de confiance de plusieurs conseillers d’État[1].

Villafranca fut un des premiers qui ouvrit les yeux au seul parti qu’ils avoient à prendre pour empêcher le démembrement de la monarchie, et se conserver par là toute leur grandeur particulière à eux-mêmes, en demeurant sujets d’un aussi grand roi, qui, retenant toutes les parties de tant de vastes États, auroit à conférer les mêmes charges, les mêmes vice-royautés, les mêmes grâces : il songea donc à faire tomber l’entière succession au deuxième fils du fils unique de la reine, sueur du roi d’Espagne. Il s’en ouvrit comme en tâtonnant à Medina-Sidonia, quoiqu’il ne fût pas du conseil, mais par sa charge et son esprit, en grande figure et en faveur, et avec qui il étoit en liaison particulière. Celui-ci qui le respectoit et qui le savoit aussi autrichien que lui-même, mais qui étoit gouverné par son intérêt, et qui, par conséquent, craignoit sur toutes choses le démembrement de la monarchie, entra dans le sentiment de Villafranca, et l’y affermit même par son esprit et ses raisons. Ces dernières étoient claires : la puissance de la France était grande et en grande réputation en Europe, contiguë par mer et par terre de tous les côtés à l’Espagne, en situation par conséquent de l’attaquer ou de la soutenir avec succès et promptitude, tout à fait frontière des Pays-Bas, et en état d’ailleurs de soutenir le Milanois, Naples et Sicile contre l’empereur foible, contigu à aucun de ces États, éloigné de tout, et pour qui le continent de l’Espagne se trouvoit hors de toute prise, tandis que de tous côtés il l’étoit de plain-pied à la France. Ils communiquèrent leur pensée à Villagarcias et à Villena qui y entrèrent tout d’abord. Ensuite ils jugèrent qu’il falloit gagner San-Estevan qui étoit la meilleure tête du conseil : Villena étoit son beau-frère, mari de sa sueur et son ami intime ; Villagarcias

  1. Fin du second passage supprimé dans les précédentes éditions.