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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/13

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aussi très bien avec lui ; ils s’en chargèrent et ils réussirent.

Voilà donc cinq hommes très principaux résolus à donner leur couronne à un de nos princes. Ils délibérèrent entre eux, et ils estimèrent qu’ils ne pourroient rien faire sans l’autorité du cardinal Portocarrero qui portoit ces deux pour le conseil où il étoit le premier et pour la conscience par ses qualités ecclésiastiques. La haine ouverte et réciproque déclarée entre la reine et lui leur en fit bien espérer. Il étoit de plus ami intime de Villafranca et de toute la maison de Tolède. Celui-ci se chargea de le sonder, puis de lui parler ; et il le fit si bien, qu’il s’assura tout à fait de lui. Tout cela se pratiquoit sans que le roi ni personne en France songeât à rien moins, et sans que Blécourt en eût la moindre connoissance, et se pratiquoit par des Espagnols qui n’avoient aucune liaison en France, et par des Espagnols, la plupart fort autrichiens, mais qui aimoient mieux l’intégrité de leur monarchie, et leur grandeur et leurs fortunes particulières à eux que la maison d’Autriche, qui n’étoit pas à la même portée que la France de maintenir l’une et de conserver les autres. Ils sentoient néanmoins deux grandes difficultés : les renonciations si solennelles et si répétées de notre reine par la paix des Pyrénées et par son contrat de mariage avec le roi, et l’opposition naturelle du leur à priver sa propre maison, dans l’adoration de laquelle il avoit été élevé, et dans laquelle il s’étoit nourri lui-même toute sa vie, et la priver en faveur d’une maison ennemie et rivale de la sienne dans tous les temps. Ce dernier obstacle, ils ne crurent personne en état de le lever que le cardinal Portocarrero par le for de la conscience.

À l’égard de celui des renonciations, Villafranca ouvrit un avis qui en trancha toute la difficulté. Il opina donc que les renonciations de Marie-Thérèse étoient bonnes et valables, tant qu’elles ne sortoient que l’effet qu’on avoit eu pour objet en les exigeant et en les accordant ; que cet effet étoit