Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/139

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neiges furent impitoyables, et quoi qu’on pût faire, elles leur en fermèrent tous les chemins. Le cardinal Le Camus, avec tout son esprit et cette connoissance du monde que tant d’années de résidence, sans sortir de son diocèse que pour un conclave, n’avoient pu effacer, se surpassa dans la réception qu’il leur fit, sans toutefois sortir de ce caractère d’évêque pénitent et tout appliqué à ses devoirs qu’il soutenoit depuis si longtemps. Mais sa pourpre l’avoit enivré au point de lui faire perdre la tête dans tout ce qui la regardoit, jusque-là qu’un homme qui avoit passé ses premières années à la cour aumônier du roi, et dans les meilleures compagnies, avoit oublié comment les cardinaux y vivoient, si bien qu’il fut longtemps en peine, sur le point de l’arrivée des princes chez lui, si dans sa maison même il devoit leur donner la main. Ils passèrent en Provence où Aix, Arles, et surtout Marseille et Toulon leur donnèrent des spectacles, dont la nouveauté releva pour eux la magnificence et la galanterie par tout ce que la marine exécuta. Avignon se piqua de surpasser les villes du royaume par la réception qu’elle leur fit, et Lyon couronna tous ces superbes plaisirs par où ils finirent avec leur voyage. C’est où je les laisserai pour reprendre ce que la digression d’Espagne m’a fait interrompre.




CHAPITRE VIII.


Mlle de Laigle, fille d’honneur de Mme la duchesse, à Marly ; et mange avec Mme la duchesse de Bourgogne. — Violente indigestion de Monseigneur. — Capitulation. — Grande augmentation de troupes. — Force milice. — Électeur de Bavière à Munich ; Ricous l’y suit. — Bedmar, commandant général des Pays-Bas espagnols par intérim. — Traités et fautes. — Succession à la couronne d’Angleterre