Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

se passoient toujours en aigreurs du côté de Monsieur ; mais en public il n’y paraissoit rien ou bien peu de chose, sinon que les gens familiers avec eux remarquoient des agaceries et des attentions du roi, et une froideur de Monsieur à y répondre, qui n’étoient dans l’habitude ni de l’un ni de l’autre.

Cependant Monsieur qui vit bien que de tout cela il n’en résulteroit rien de ce qu’il désiroit, et que la fermeté du roi là-dessus ne se laisseroit point affaiblir, jugea sagement par l’avis du maréchal de Villeroy, qui s’entremit fort dans tout cela, et surtout par ceux du chevalier de Lorraine et du marquis d’Effiat, qu’il ne falloit pas pousser le roi à bout et qu’il étoit temps d’arrêter les saillies de la conduite de M. son fils. Il le fit donc peu à peu, mais le cœur restant ulcéré, et toujours avec le roi de la même manière.

Les princes du sang ne servirent point non plus. Ce fut M. le Prince encore à qui le roi s’adressa pour faire entendre ce qu’il appeloit raison à M. le Duc et à M. le prince de Conti ; mais M. du Maine et M. le comte de Toulouse allèrent comme lieutenants généraux en Flandre sous le maréchal de Boufflers.

Nyert, premier valet de chambre du roi, qui, sous prétexte de curiosité à son âge et dans son emploi, avoit suivi le roi d’Espagne à Madrid, et qui y était demeuré pour y être spectateur des premiers temps de son arrivée, revint au bout de cinq mois, et entretint le roi fort longtemps, à plusieurs reprises, tête-à-tête. Mgr le duc de Bourgogne arriva aussi le mercredi 20 avril ; il avoit pris la poste à Lyon. Le roi l’attendit dans son cabinet ; et en sortit au-devant de lui pour l’embrasser, puis lui fit embrasser Mme la duchesse de Bourgogne : c’étoit à trois heures après midi ; il avoit couché à Sens. M. le duc de Berry, qui n’avoit pas pris la poste si loin, arriva quatre jours après.

Le roi eut presque en même temps la joie que la Suède, qui tenoit de fort près les Moscovites et le roi de Pologne