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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/163

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bien d’autres choses, souffroit avec patience ses fréquents entretiens, et y réfléchissoit beaucoup. Il en devint triste, abattu, et parla moins qu’à l’ordinaire, c’est-à-dire encore comme trois ou quatre femmes, en sorte que tout le monde s’aperçut bientôt de ce grand changement. C’en étoit bien à la fois que ces peines intérieures, et les extérieures du côté du roi, pour un homme aussi foible que Monsieur, et aussi nouveau à se contraindre, à être fâché et à le soutenir ; et il étoit difficile que cela ne fit bientôt une grande révolution dans un corps aussi plein et aussi grand mangeur, non seulement à ses repas, mais presque toute la journée.

Le mercredi 8 juin, Monsieur vint de Saint-Cloud dîner avec le roi à Marly, et, à son ordinaire, entra dans son cabinet lorsque le conseil d’État en sortit. Il trouva le roi chagrin de ceux que M. de Chartres donnoit exprès à sa fille, ne pouvant se prendre à lui directement. Il étoit amoureux de Mlle de Sery, fille d’honneur de Madame, et menoit cela tambour battant. Le roi prit son thème là-dessus, et fit sèchement des reproches à Monsieur de la conduite de son fils. Monsieur qui, dans la disposition où il étoit, n’avoit pas besoin de ce début pour se fâcher, répondit avec aigreur que les pères qui avoient mené de certaines vies avoient peu de grâce et d’autorité à reprendre leurs enfants.

Le roi, qui sentit le poids de la réponse, se rabattit sur la patience de sa fille, et qu’au moins devoit-on éloigner de tels objets de ses yeux. Monsieur, dont la gourmette étoit rompue, le fit souvenir, d’une manière piquante, des façons qu’il avoit eues pour la reine avec ses maîtresses, jusqu’à leur faire faire les voyages dans son carrosse avec elle. Le roi outré renchérit, de sorte qu’ils se mirent tous deux à se parler à pleine tête.

À Marly, les quatre grands appartements en bas étoient pareils et seulement de trois pièces. La chambre du roi tenoit au petit salon, et étoit pleine de courtisans à ces heures-là pour voir passer le roi s’allant mettre à table ; et par de ces usages propres aux différents lieux, sans qu’on en