Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/235

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où les lieutenants de l’empereur avoient conquis ou soumis toutes les places et toutes les provinces, et réduit tous les seigneurs.

Charles-Quint fit dans la suite de nouveaux grands en Espagne et dans les autres pays de sa domination, tant pour s’attacher de grands seigneurs et donner de l’émulation, que pour anéantir toute idée de ricos-hombres, et pour marquer en effet et que la dignité de grand d’Espagne étoit la seule de la monarchie, et que cette dignité unique étoit uniquement en ses mains.

Mais par une politique qui alloit à flatter toute la nation, et qui, à l’exemple de celle des papes sur les cardinaux, tournoit toute à sa propre grandeur, il l’établit dans un rang, des honneurs et des distinctions les plus grandes qu’il lui fut possible, et en même temps [qu’il lui fut] facile de faire admettre en Italie et en Allemagne, dictateur comme il étoit de celle-ci, et presque roi de celle-là, par les exemples éclatants que son bonheur et sa puissance surent faire des princes, des électeurs et des papes même, et plus encore des princes d’Italie qui ne respiroient qu’à l’ombre de sa protection, l’empire, l’Allemagne et l’Italie étant demeurés jusqu’à nos jours, depuis Charles-Quint, comme entre les mains de la maison d’Autriche, suivant le partage qu’il en fit lui-même en abdiquant ; et cette maison toujours restée parfaitement unie, le même esprit a toujours conservé dans tous ces pays-là la même protection à la dignité de grand d’Espagne, et la même autorité au moins à cet égard, et pour des choses déjà établies, a maintenu les grands dans tout ce dont Charles-Quint les avoit mis en possession partout, dont l’enflure a semblé, même aux Espagnols, les dédommager de ce qui leur a été ôté de plus réel.

Philippe II, sous prétexte d’honneur, porta une atteinte à cette dignité pour se l’approprier davantage. Ce fut lui qui introduisit la cérémonie de la couverture, comme ils parlent