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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/244

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que, depuis tant de temps et tant de différents gouvernements en Espagne, il ait été question de grandesse pour sa postérité à qui elle devoit passer, qui dure encore, et qui vit obscure dans sa province.

Telles ont été les différentes gradations de la grandesse, qui ne sont pas encore épuisées, sur lesquelles il faut remarquer que les étrangers, je veux dire les grands d’Espagne qui sont en Flandre et en Italie, y jouissent de toute leur dignité sans être obligés d’en aller prendre possession en Espagne ; mais s’ils y font un voyage, alors ils sont soumis à la cérémonie de la couverture, et en attendant suspendus de tout rang. Cette triste aventure arriva sous Philippe V au dernier comte d’Egmont, en qui cette illustre maison s’est éteinte, lequel, pour avoir perdu son certificat de couverture du secrétaire de l’estampille, fut obligé de la réitérer.

Mais ce n’est pas encore tout ce que l’autorité des rois s’est peu à peu acquise sur les grands d’Espagne. En voici une septième gradation. Ils y ont ajouté un tribut d’autant plus humiliant, que c’est celui de leur dignité même ; cela s’appelle l’annate et la mediannate. Celle-ci se paye à l’érection d’une grandesse, et va toujours à plus de douze mille écus argent fort. Quelquefois le roi la remet, et c’est une véritable grâce qui s’insère dans les patentes, en sorte que l’honneur de la dignité et la honte du tribut qui y est attaché se rencontrent dans le même instrument, dont mes patentes de grand d’Espagne de la première classe sont un exemple récent. Mais rien de plus ordinaire que le refus de cette grâce, et du temps que j’étois en Espagne, le duc de Saint-Michel de la maison de Gravina, l’une des plus grandes de Sicile, qui y avoit perdu ses biens lorsque l’empereur s’empara de ce royaume, et qui venoit d’être fait grand pour les services qu’il y avoit rendus, postuloit cette remise, et ne fit point sa couverture tant que je fus en Espagne, parce qu’elle ne lui fut point accordée, et qu’il