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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/246

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De prétendre maintenant que le nom et la dignité de grand fit connue avant Charles-Quint, c’est ce que je crois sans aucun fondement, d’autant qu’il ne paraît rien qui distinguât le grand du rico-hombre, pu, si l’on veut, les ricoshombres entre eux, du côté des prérogatives. J’ai donc lieu de me persuader que c’est une idée de vanité, destituée de toute réalité, pour donner plus d’antiquité à la dignité de grand, en faire perdre de vue l’origine, et la relever au-dessus de celle des ricos-hombres, lesquels étoient les plus grands seigneurs en naissance et en puissance, relevant immédiatement de la couronne, et avec droit de bannière et de chaudière, qu’ils mirent souvent dans leurs armes, d’où on en trouve tant dans celles des maisons d’Espagne ; or, comme le titre de ricos-hombres, leurs armes et ces marques passèrent peu à peu à leurs cadets, et ensuite dans d’autres maisons par les filles héritières, c’est de là, comme je l’ai remarqué, que les ricos-hombres étoient devenus si multipliés par succession de temps lorsqu’ils disparurent jusqu’au nom même à l’invention de celui de grand par l’adresse et la puissance de Charles-Quint.

Comme ce prince ne donna point de patentes pour cette dignité, il est très difficile de distinguer, parmi les premiers grands espagnols, ceux qui, pour ainsi dire, le demeurèrent, c’est-à-dire, qui de ricos-hombres devinrent insensiblement grands, conservant simplement sous ce titre les prérogatives que leur donnoit celui qu’ils avoient eu jusque-là, d’avec ceux qui, n’étant point du nombre des ricos-hombres, furent néanmoins faits grands dans la suite par le même Charles-Quint. J’aurois du penchant à croire que ce prince eut le ménagement de n’élever à la grandesse que ceux de ce rang parmi les Espagnols, pour les flatter davantage dans ce grand changement, quoique je n’aie aucun autre motif de cette opinion que celui de la convenance. Si elle étoit vraie, cette distinction à faire seroit peu importante, puisqu’il ne s’agiroit entre eux que de n’avoir point cessé de