Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/260

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quelquefois de fort étranges : j’expliquerai ce que c’est en son temps. Toute la différence est que les dais de ceux-ci ne sont que de damas tout simple, avec un portrait du roi dessus, et que ceux des grands sont de velours et riches, sans portrait, avec quelquefois leurs armes brodées dans la queue. Ainsi les dais des uns paraissent être pour le portrait, et celui des autres pour leur dignité et pour eux-mêmes. À l’égard des balustres, peut-être que l’usage de coucher en des lieux retirés qu’on ne voit point, et de n’avoir point de ces lits qui ne sont que pour la parade, en a banni la distinction.

La manière de bâtir en Espagne fait que ce que nous appelons en France les honneurs du Louvre[1] n’y peut exister. Les palais du roi, et tous les autres, ont une grande porte cochère, à condition qu’aucun carrosse n’y peut entrer ; mais il y en a une image. Après, cette porte il y a, au palais de Madrid, un grand vestibule noir et obscur, couvert, court, mais qui s’étend en deux petites ailes, et qui aboutit à quelques marches d’une galerie qui sépare deux cours pavées de grandes pierres plates, avec un grand escalier tout en dehors au bout de cette galerie. Dans ce vestibule couvert entrent les carrosses des grands et de leurs femmes, des cardinaux et des ambassadeurs, et en ressortent dès qu’ils sont descendus à la galerie ; ils rentrent de même pour les prendre quand ils veulent remonter pour s’en aller. Tous les autres hommes et femmes descendent et remontent devant la grande porte, et tous les carrosses se rangent dans la grande place du palais. Au Buen-Retiro, entre plusieurs cours, il y en a deux de suite, comme au Palais-Royal à Paris, mais infiniment plus grandes. Tous les carrosses

  1. Les honneurs du Louvre étaient le privilége accordé à certains personnages d’entrer dans la cour du Louvre en carrosse ou à cheval. Favin prétend, dans son Théâtre d’honneur et de chevalerie (t. Ier p. 371) que les honneurs du Louvre n’étaient accordés primitivement qu’aux princes et princesses du sang. Dans la suite, on les étendit aux princes étrangers, au connétable, aux cardinaux, enfin à tous les ducs.