Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/341

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par leurs papiers. On n’en étoit plus aux mesures, on laissa crier, et on resserra bien les deux prisonniers.

Le vieux Bissy, ancien lieutenant général et commandant depuis longtemps en chef en Lorraine et dans les Trois-Évêchés, mourut à Metz fort regretté par son équité, sa discipline et la netteté de ses mains. Ce fut un de ces militaires de bas aloi que M. de Louvois fit chevalier de l’ordre à la fin de 1688. Il s’appeloit Thiard, d’une famille qui a donné des conseillers et des présidents aux parlements de Dijon et de Besançon, et un évêque de Chalonsur- Saône, grand poète, ami de Ronsard, de Desportes, du cardinal du Perron, et savant d’ailleurs, qui mourut tout au commencement du dernier siècle.

Bissy, par ce commandement de Lorraine, trouva à marier son fils aîné à une Haraucourt, qui longues années après devint héritière par la mort de ses frères sans enfants. Il étoit aussi père de l’abbé de Bissy, à qui il procura l’évêché de Toul, et qui depuis est devenu cardinal et a fait un étrange bruit dans le monde. Étant allé tout jeune homme et presque du collage voir son père à Nancy, ce fut à qui le loueroit le plus. Le père qui étoit galant homme, bon citoyen et vrai, s’en impatienta. « Vous ne le connoissez pas, leur dit-il ; voyez-vous bien ce petit prestolet-là qui ne semble pas savoir l’eau troubler, c’est une ambition effrénée qui sera capable, s’il peut, de mettre l’Église et l’État en combustion pour faire fortune. » Ce vieux Bissy n’a été que trop bon prophète. Il y aura lieu de parler plus d’une fois de ce prestolet qui en conserva l’air toute sa vie.

M. de Montespan mourut dans ses terres de Guyenne, trop connu par la funeste beauté de sa femme, et par ses nombreux et plus funestes fruits. Il n’en avoit eu qu’un fils unique avant l’amour du roi, qui étoit le marquis d’Antin, menin de Monseigneur, lequel sut tirer un grand parti de la honte de sa maison. Dès que son père fut mort, il écrivit au roi pour lui demander de faire examiner ses prétentions à la dignité de duc d’Épernon. Tous les enfants de sa mère en