Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/378

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rompu qui rendoit ce secours inutile. Ils ne furent pas plus satisfaits de ce qu’ils découvrirent dans tous les différents lieux de la ville et des remparts.

Le prince Eugène, outré de voir son entreprise en si mauvais état après avoir touché de si près à la conquête, hurloit et s’arrachoit les cheveux en descendant. Il pensa dès lors à la retraite, quoique supérieur en nombre.

Fimarcon faisoit merveilles cependant avec les dragons, qu’il avoit fait mettre pied à terre. En même temps Revel, qui voyoit ses troupes accablées de faim, de lassitude et de blessures, et qui depuis la première pointe du jour n’avoient pas eu un instant de repos ni même de loisir, songeoit aussi de son côté à les retirer, ce qu’il pourroit, au château de Crémone, pour s’y défendre au moins à couvert, et y obtenir une capitulation ; de sorte que les deux chefs opposés pensoient en même temps à se retirer.

Les combats se ralentirent donc sur le soir en la plupart des lieux dans cette pensée commune de retraite, lorsque nos troupes firent un dernier effort pour chasser les ennemis d’une des portes de la ville qui leur ôtait la communication du rempart où étoient les Irlandois, et pour avoir cette porte libre pendant la nuit et pouvoir par là recevoir du secours. Les Irlandois secondèrent si bien cette attaque par leur rempart, que le dessus de la porte fut emporté ; les ennemis conservèrent le bas de la porte de plain-pied à la rue. Un calme assez long succéda à ce dernier combat. Revel cependant songeoit à faire retirer doucement les troupes au château, lorsque sur ce long calme Mahoni lui proposa d’envoyer voir ce qui se passoit partout, et se proposa lui-même pour aller aux nouvelles et lui en venir rendre compte. Il faisoit déjà obscur ; les batteurs d’estrade en profitèrent. Ils virent tout tranquille, et reconnurent que les ennemis s’étoient retirés. Cette grande nouvelle fut portée à Revel, qui fut longtemps, et beaucoup d’autres avec lui, sans le pouvoir croire. Persuadé enfin, il laissa tout au même état