Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/383

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roi d’Espagne d’aller en Italie, et d’y avoir ce général sous lui. Mais Harcourt en étoit alors à cet assaut du conseil dont je viens de parler, et au plus fort de ses espérances que lui-même n’avoit pas encore détruites en parlant avec ce grand mépris des ministres au roi, comme il fit depuis. Il n’eut donc garde d’accepter un commandement qui anéantissoit toutes ses mesures si avancées pour entrer dans le conseil. Il se défendit sur sa santé et refusa. Lui et Chamillart parlèrent à l’écart assez longtemps avec action. Tout ce qu’il y avoit là d’yeux n’en perdoient aucune, et virent enfin ces deux hommes se séparer, et Chamillart seul retourner chez Mme de Maintenon. Il y fut peu et ressortit. La curiosité étoit plus allumée. Il s’avança, chercha des yeux, et fut joindre M. de Vendôme. Leur conversation fut très courte. Tous deux ensemble allèrent chez Mme de Maintenon. Alors on fut assuré du choix et de l’acceptation. Il fut déclaré lorsque le roi passa dans son appartement. Le soir il fut longtemps chez Mme de Maintenon avec le roi et Chamillart, prit congé et s’en alla à Paris pour partir le surlendemain pour l’Italie. Le roi lui donna quatre mille louis pour son équipage.

Le dépit de M. le duc d’Orléans et des princes du sang fut extrême et fort marqué. Ils n’en tombèrent que plus rudement sur le maréchal de Villeroy, que le roi en toutes occasions prit à tâche de défendre, jusqu’à dire en publie qu’on ne l’attaquoit que par jalousie de ce qu’il avoit beaucoup d’amitié pour lui. Le mot de favori, qui n’étoit jamais sorti de sa bouche, lui échappa même une fois. Il lui écrivit une lettre, la plus obligeante qu’il fût possible, et, la lui envoya ouverte, pour que les ennemis n’en eussent pas de soupçon, et qu’eux-mêmes vissent quelle étoit son estime et son amitié pour lui. Quoiqu’il n’eût aucune familiarité avec la maréchale de Villeroy, il lui fit dire mille choses agréables par son fils, par M. le Grand et par d’autres, et, après Marly, la vit en particulier longtemps et la combla de