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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/400

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de chocolat. Il mourut le dimanche, 19 mars, sur les dix heures du matin.

La princesse Anne, sa belle-sœur, épouse du prince Georges de Danemark, fut en même temps proclamée reine. Peu de jours après elle déclara son mari grand amiral et généralissime, rappela les comtes de Rochester, son oncle maternel, et de Sunderland, fameux par son esprit et ses trahisons, dans son conseil, et envoya le comte de Marlborough, si connu dans la suite, suivre en Hollande tous les plans de son prédécesseur. Portland s’y retira dès le lendemain de la mort de son maître, et ne vécut depuis qu’obscurément.

Le roi n’apprit cette mort que le samedi matin suivant par La Vrillière, à qui il étoit arrivé un courrier de Calais. Une barque s’étoit échappée malgré la vigilance qui avoit fermé les ports. Le roi en garda le silence, excepté à Monseigneur et à Mme de Maintenon, à qui il le manda à Saint-Cyr. Le lendemain la confirmation arriva de toutes parts, et le roi n’en fit plus un secret, mais il en parla peu et affecta beaucoup d’indifférence. Dans le souvenir de toutes les folies indécentes de Paris, lorsque dans la dernière guerre on le crut tué à la bataille de la Boyne en Irlande, on prit par ses ordres les précautions nécessaires pour ne pas retomber dans le même inconvénient.

Il déclara seulement qu’il n’en prendroit pas le deuil, et il défendit aux ducs de Bouillon, aux maréchaux de Duras et de Lorges, et par eux à tous les parents, de le porter, chose dont il n’y avoit pas encore eu d’exemple. Le prince de Nassau, gouverneur héréditaire de Frise, nommé héritier par le testament du roi Guillaume, fut, par voie de fait, frustré de la plus grande partie par l’électeur de Brandebourg, qui eurent là-dessus des contestations dont les États généraux, exécuteurs testamentaires, prirent connoissance.

L’héritier n’y eut pas beau jeu contre un prince puissant et avide, et tout à cet égard n’est pas encore fini