Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/407

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

donnât encore beaucoup d’inquiétude et peut-être d’occupations au dedans, tandis que les armées en avoient tant en Lombardie.

Ces considérations faisoient extrêmement désirer l’envoi d’un légat a latere dont l’éclat et la solennité fermât la bouche à tous ceux qui remuoient sous prétexte du défaut d’investiture. Le duc d’Uzeda, ambassadeur d’Espagne à Rome, sollicitoit fortement cette affaire, le cardinal Grimani et toute sa faction s’y opposoit avec violence et menaces, et le pape, embarrassé, ne pouvoit se déterminer. Louville fut envoyé à Rome pour la presser de la part du roi d’Espagne, et pour saluer le pape sur l’arrivée de ce prince à Naples et son voisinage du pape, que l’embarras du cérémonial et les affaires qui l’appeloient en Lombardie empêchoient de venir lui rendre ses respects en personne comme il l’eut bien désiré. Louville vint descendre chez le duc d’Uzeda, qui, pour le mieux appuyer à Rome, l’y donna comme un favori et comme celui qui avoit toute la confiance du roi d’Espagne. Il fut reçu sur ce pied-là du pape et des cardinaux. Grimani redoubla ses menaces et ses fureurs jusqu’à dire qu’il feroit poignarder Louville. S’il crut l’effrayer, il se trompa. Louville en prit occasion de parler de ce cardinal avec toute la hauteur et l’insulte qu’il méritoit, et que protégeoit le caractère de l’autre, de montrer combien ces menaces étoient injurieuses au pape traité, et retenu avec violence, et à quel point aussi l’honneur du roi d’Espagne se trouvoit engagé dans une affaire si audacieusement traitée par les Impériaux et en maîtres du pape et de Rome. En peu de jours il obtint un légat a latere. Le cardinal Grimani menaça de faire des protestations en plein consistoire. Le pape lui fit dire que si c’étoit comme ministre de l’empereur, c’étoit à lui, non au consistoire qu’il devoit s’adresser ; que si c’étoit comme cardinal il lui ordonnoit de se taire. Cela l’arrêta tout court, mais l’ambassadeur de l’empereur sortit de Rome et se retira à San-Quirico. Le cardinal Charles Barberin, petit-neveu