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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/408

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d’Urbain VIII, fut choisi comme très agréable à la France, où sa famille s’étoit réfugiée pendant, la persécution que lui fit Innocent X [Pamphile], et où elle fut comblée de grâces et de biens, et d’ailleurs un cardinal très riche et très magnifique. Il reçut la croix de légat a latere en plein consistoire et partit deux jours après. Le cardinal de Janson, qui faisoit alors les affaires du roi à Rome, servit en cette affaire avec grande dextérité et une grande fermeté. Le légat fit son entrée solennelle à Naples entre le cardinal de Médicis et lui.

Médicis étoit frère du grand-duc ; c’étoit le meilleur homme du monde, le plus sans aucune façon et le plus attaché à la France. Il étoit venu à Naples voir Philippe V dès qu’il y fut arrivé. Ils furent si contents l’un de l’autre, que l’amitié et jusqu’à la familiarité se mit entre eux. Le roi le traitoit avec toutes sortes d’égards, et le cardinal vivoit en courtisan avec lui et avec sa cour. Il ne portoit jamais sa calotte, étoit vêtu presque en cavalier ; ses bas rouges étoient toute sa marque. On ne le voyoit que malgré lui vêtu en cardinal et seulement aux cérémonies. Il ne put quitter Naples tant que Philippe V y fut ; il ne se sépara de lui qu’avec larmes à Livourne jusqu’où il l’avoit suivi, et il le revit encore depuis lorsque le roi d’Espagne s’en retourna par Gènes en quittant l’Italie. Il n’avoit point d’ordres sacrés, et, voyant son neveu sans enfants, il quitta le chapeau dans la suite et se maria à une Gonzague, sœur du duc de Guastalla. Le légat fut reçu avec tous les honneurs qui depuis longtemps leur ont été prodigués. Philippe V le visita, tout se passa avec la plus grande satisfaction réciproque. Comme il ne s’agissoit que de démonstration et d’aucune affaire dans cette légation, Barberin demeura peu de jours à Naples. Sa venue avoit différé le départ du roi d’Espagne ; il était pressé d’aller en Lombardie ; il partit incontinent après le légat pour aller à Milan et se mettre à la tête de l’armée.