Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/427

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un bel air qui convenoit à son âge et qui lui donnoit un relief opposé au ridicule qu’il concevoit dans une vie moins désordonnée. Il admiroit les plus outrés et les plus persévérants dans la plus forte débauche, et ce léger changement à l’égard de la cour n’en apporta ni à ses mœurs ni à ses parties obscures à Paris, où elles le faisoient aller et venir continuellement. Il n’est pas temps encore de donner une idée de ce prince que nous verrons si fort sur le théâtre du monde, et en de si différentes situations.

Mme de Fontaine-Martel étoit à Saint-Cloud : c’étoit une de ces dames de l’ancienne cour familière de Monsieur, et toute sa vie extrêmement du grand monde. Elle étoit femme du premier écuyer de Mme la duchesse d’Orléans, frère du feu marquis d’Arcy, dernier gouverneur de M. le duc d’Orléans, pour qui il se piqua toujours d’une estime, d’une amitié et d’une reconnoissance qu’il témoigna par une considération toujours soutenue pour toute sa famille, et même jusqu’à ceux de ses domestiques qu’il avoit connus, il leur fit du bien. Mme de Fontaine-Martel, par la charge de son mari, goutteux, qu’on ne voyoit guère, passoit sa vie à la cour. Elle étoit des voyages, et même quelquefois de ceux de Marly ; elle soupoit souvent chez M. le maréchal de Lorges, qui tenoit soir et matin une table grande et délicate, où sans prier il avoit toujours nombreuse compagnie et de la meilleure de la cour, et Mme la maréchale de Lorges l’y attiroit beaucoup par son talent particulier de savoir tenir et bien faire les honneurs d’une grande maison sans tomber dans aucun des inconvénients qui, par la nécessité du mélange que fait un grand abord, rendent une maison moins respectée par des facilités qui n’eurent jamais entrée dans celle-là. J’y étois poli à tout le monde, mais tout le monde ne me revenoit pas, ni moi par conséquent à chacun. À force de nous voir, Mme de Fontaine-Martel et moi, nous nous accommodâmes l’un de l’autre et cette amitié dura toujours depuis. Elle me demandoit quelquefois pourquoi