Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/428

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je ne voyois plus M. le duc d’Orléans, et disoit toujours que cela étoit ridicule de part et d’autre, parce que, malgré la diversité de notre vie, nous nous convenions l’un et l’autre par mille endroits. Je riais et la laissois dire. Un beau jour à Saint-Cloud, elle attaqua M. le duc d’Orléans sur la même chose ; tandis qu’il causoit avec elle, la duchesse de Villeroy et Mme de Saint-Simon, tous trois se mirent à dire mille choses obligeantes de moi, et M. le duc d’Orléans ses regrets de ce que je le trouvois trop libertin pour le voir, et son désir de renouer avec moi. Cela fut poussé le reste du voyage jusqu’à regretter qu’il fût trop près de sa fin pour me convier d’y venir et pour se promettre à mon retour à Versailles de vaincre, comme disoit M. le duc d’Orléans, mon austérité. Mme de Saint-Simon fut priée de m’en écrire ; je répondis, comme je le devois. Elle revint à la Ferté, et me dit que les choses étoient au point de ne pouvoir m’en défendre.

J’avois pris tout cela comme une fantaisie de Mme de Fontaine-Martel, et une politesse de M. le duc d’Orléans, comme de ces parties ou de ces projets qui ne s’exécutent point ; et la différence de goût et de vie me persuadoit que ce prince et moi ne nous convenions plus, et que je ferois bien de m’en tenir où j’étois, en faisant tout au plus à mon retour une visite de remerciement et de respect : je me trompai. Cette visite qu’à mon retour je différois toujours, et dont M. le duc d’Orléans faisoit des reproches à ces dames chez Mme la duchesse d’Orléans, fut reçue, avec empressement. Soit que l’ancienne amitié de jeunesse eût repris, soit désir d’avoir quelqu’un à voir familièrement à Versailles, où il se trouvoit fort souvent désœuvré, tout se passa de si bonne grâce de sa part, que je crus me retrouver en notre ancien Palais-Royal. Il me pria de le voir souvent ; il pressa mes visites, oserai-je dire qu’il se vanta de mon retour à lui, et qu’il n’oublia rien pour me rattacher. Le retour de l’ancienne amitié de ma part fut le fruit de tant