Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/435

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fut tué. C’étoit le seul fils du feu maréchal de Créqui et gendre du duc d’Aumont, sans enfants. Sa probité ni sa bonté ne le firent regretter de personne, mais bien ses talents à la guerre, où il étoit parvenu à une grande capacité par son application et son travail ; sa valeur étoit également solide et brillante, son coup d’œil juste et distinctif.

Tout se présentoit à lui avec netteté, et, quoique ardent et dur, il ne laissoit pas d’être sage. C’étoit un homme qui touchoit au bâton et qui l’auroit porté aussi dignement que son père. Il avoit été fort galant, et on voyoit encore qu’il avoit dû l’être. Avec cela beaucoup d’esprit, plus d’ambition encore, et tous moyens bons pour la satisfaire. Les Impériaux y perdirent les deux premiers généraux de leur armée après le prince Eugène, le prince de Commercy fut tué, et le prince Thomas de Vaudemont survécut deux ans à sa blessure. Ils n’étoient point mariés, tous deux feld-maréchaux, et le dernier, fils unique du prince de Vaudemont, gouverneur général du Milanois pour le roi d’Espagne, à qui ce fut une grande douleur. Celle de Mme de Lislebonne et de ses deux filles fut extrême. Il n’avoit devant lui que le prince Eugène. Il y avoit plus de vingt ans qu’elles ne l’avoient vu, et selon toute apparence ne le devoient jamais revoir. Monseigneur prit des soins d’elles qui relevèrent encore leur considération. Il ne l’ut occupé qu’à les consoler. Quelque accoutumé qu’on doive être dans les cours aux choses singulières, ce soin du Dauphin d’une douleur qui devoit demeurer cachée se fit fort remarquer. Ce fut le duc de Villeroy qui en apporta la nouvelle, et qui peu de jours après retourna en Italie lieutenant général.

Sitôt que le jour parut, le lendemain de l’action, les armées, se trouvèrent si proches qu’elles se mirent à se retrancher, et qu’il y eut encore bien des tués et des blessés de coups perdus. Aucune des deux ne voulut se retirer devant l’autre. Chaque jour augmentoit les retranchements et les précautions. Il fallut même changer le roi d’Espagne