Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/447

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que pour icelles leur séjour le requerra. » Heureusement Richelieu avoit l’âme trop ferme et l’esprit trop pénétrant pour céder à ces remontrances. Il lui talloit dans les provinces des administrateurs qui dépendissent immédiatement de son pouvoir ; il les trouva dans les intendants, dont il rendit l’institution permanente à partir de 1635.

Les intendants n’appartenoient pas, comme les gouverneurs, à des familles puissantes ; ils pouvoient être révoqués à volonté, et étoient, par conséquent, les instruments dociles du ministre dans les provinces. De là la haine des grands et des parlements, qui, à l’époque de la Fronde, réclamèrent vivement et obtinrent la suppression des intendants (déclaration du 13 juillet 1648). Mais la cour, qui n’avoit cédé qu’à la dernière extrémité, se sentoit par cette suppression blessée à la prunelle de l’œil, comme dit le cardinal de Retz ; elle maintint des intendants en Languedoc, Bourgogne, Provence, Lyonnois, Picardie et Champagne. Rétablis en 1654, les intendants furent institués successivement dans toutes les généralités. Le Béarn et la Bretagne furent les dernières provinces soumises à leur administration : le Béarn en 1682, la Bretagne en 1689. Saint-Simon, en parlant de Pomereu ou Pomereuil, rappelle que ce fut le premier intendant « qu’on ait hasardé d’envoyer en Bretagne, et qui trouva moyen d’y apprivoiser la province. » Avant la révolution, de 1789, il y avoit en France trente-deux intendances, savoir : Paris, Amiens, Soissons, Orléans, Bourges, Lyon ; Dombes, la Rochelle, Moulins, Riom, Poitiers, Limoges, Tours, Bordeaux, Auch, Montauban, Champagne, Rouen, Alençon, Caen, Bretagne, Provence, Languedoc, Roussillon, Bourgogne, Franche-Comté, Dauphiné, Metz, Alsace, Flandre, Artois, Hainaut.

Les intendants avoient de vastes et importantes attributions : ils avoient droit de juridiction et l’exerçoient dans toutes les affaires civiles et criminelles, pour lesquelles ils recevoient une commission émanant du roi. On pourroit citer un grand nombre de procès jugés par les intendants ; je me bornerai à renvoyer aux notes placées à la fin du cinquième volume de cette édition des Mémoires de Saint-Simon. On y verra que le procès de B. Fargues fut instruit par l’intendant Machaut, qui le jugea en dernier ressort et le condamna à la peine capitale. Guyot cite, dans son Traité des Offices [1], beaucoup d’autres procès qui furent jugés par les intendants. Du reste, ces magistrats n’exerçoient les fonctions judiciaires que temporairement, en en vertu des pouvoirs extraordinaires que leur conféroit la royauté. Leurs attributions ordinaires étoient surtout administratives.

Ils étoient chargés de surveiller les protestants, et, depuis la révocation de l’édit de Nantes (1685), ils avoient l’administration des biens

  1. T. III, p. 134 et suiv.