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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/449

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lieutenants civil et criminel tiroient leur nom de ce qu’ils présidoient l’un la chambre civile, l’autre la chambre criminelle du Châtelet.

Le lieutenant général de police, qui fut établi par édit du mois de mars 1667, étoit chargé de veiller à la sûreté de la ville de Paris et de connoître des délits et contraventions de police. Le premier lieutenant général de police fut La Reynie. Fontenelle a caractérisé l’importance et les difficultés de cette charge avec l’ingénieuse précision de son style : « Les citoyens d’une ville bien policée jouissent de l’ordre qui y est établi, sans songer combien, il en coûte de peine à ceux qui l’établissent ou le conservent, à peu près comme tous les hommes jouissent de la régularité des mouvements célestes, sans en avoir aucune connoissance ; et même plus l’ordre d’une police ressemble par son uniformité à celui des corps célestes, plus il est insensible, et par conséquent il est toujours d’autant plus ignoré qu’il est plus parfoit. Mais qui voudroit le connoître, l’approfondir, en seroit effrayé. Entretenir perpétuellement dans une ville telle que Paris une consommation immense, dont une infinité d’accidents peuvent toujours tarir quelques sources ; réprimer la tyrannie des marchands à l’égard du public, et en même temps animer leur commerce ; empêcher les usurpations naturelles des uns sur les autres, souvent difficiles à démêler ; reconnoître dans une foule infinie ceux qui peuvent si aisément y cacher une industrie pernicieuse, en purger la société ou ne les tolérer qu’autant qu’ils peuvent être utiles par des emplois dont d’autres qu’eux ne se chargeroient ou ne s’acquitteroient pas si bien ; tenir les abus nécessaires dans les bornes précises de la nécessité, qu’ils sont toujours prêts à franchir ; les renfermer dans l’obscurité à laquelle ils doivent être condamnés et ne les en tirer pas même par des châtiments trop éclatants ; ignorer ce qu’il vaut mieux ignorer que punir, et ne punir que rarement et utilement ; pénétrer par des souterrains dans l’intérieur des familles et leur garder les secrets qu’elles n’ont pas confiés, tant qu’il n’est pas nécessaire d’en faire usage, être présent partout sans être vu ; enfin, mouvoir ou arrêter à son gré une multitude immense et tumultueuse, et être l’âme toujours agissante et presque inconnue de ce grand corps : voilà quelles sont en général les fonctions du magistrat de police. Il ne semble pas qu’un homme seul y puisse suffire ni par la quantité des choses dont il faut être instruit, ni par celle des vues qu’il faut suivre, ni par l’application qu’il faut apporter, ni par la variété des conduites qu’il faut tenir et des caractères qu’il faut prendre. »

Le prévôt des marchands étoit, à Paris et à Lyon, le chef de l’administration municipale que l’on nommoit maire dans la plupart des villes. Pendant longtemps ce magistrat fut élu par les bourgeois de Paris ; il avoit, tant que duroit sa charge, le soin de veiller à la défense de leurs privilèges et de protéger leurs intérêts. Mais les magistrats