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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/454

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« On a ouvert son corps, avec un grand concours de médecins, de chirurgiens et de toute sorte de gens, à cause qu’ayant commencé à sentir des douleurs extrêmes, en buvant trois gorgées d’eau de chicorée, que lui donna la plus intime et la plus chère de ses femmes, elle avoit dit d’abord qu’elle étoit empoisonnée. M. l’ambassadeur et tous les Anglois qui sont ici l’avoient presque cru ; mais l’ouverture du corps fut une manifeste conviction du contraire, puisque l’on n’y trouva rien de sain que l’estomac et le cœur, qui sont les premières parties attaquées par le poison ; joint que Monsieur, qui avoit donné à boire à Mme la duchesse de Meckelbourg,(1) qui s’y trouva, acheva de boire le reste de la bouteille, pour rassurer Madame ; ce qui fut cause que son esprit se remit aussitôt, et qu’elle ne parla plus de poison que pour dire qu’elle avoit cru d’abord être empoisonnée par méprise. Ce sont les propres mots qu’elle dit à M. le maréchal de Grammont. »

De ces témoignages, auxquels on doit joindre celui de Mme de La Fayette, la compagne assidue et l’amie intime d’Henriette d’Angleterre, dont elle a écrit la vie, on doit conclure que la duchesse d’Orléans étoit d’une santé depuis longtemps altérée, et que la plupart des contemporains ont rejeté le bruit d’empoisonnement adopté par la crédulité populaire. Ainsi Saint-Simon a eu tort d’affirmer que personne n’a douté de l’empoisonnement, et d’ajouter que Madame étoit alors d’une très bonne santé.


1. Élisabeth-Angélique de Montmorency-Bouteville, sœur du maréchal de Luxembourg ; elle avait épousé en premières noces Gaspard de Coligny, duc de Châtillon, et, en secondes noces, Christian-Louis, duc de Mecklembourg. On disait au XVIIe siècle Meckelbourg. Saint-Simon parle plusieurs fois de cette personne dans ses Mémoires. Voy., entre autres, t. Ier, p. 81.229, 230, 233.