Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/76

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les scandalisa infiniment par toutes ses manières avec les seigneurs de cette cour, et par la familiarité surtout qu’il affecta avec le roi d’Espagne. Il fut le seul jeune seigneur françois qui passa avec lui. Noblet fit deux journées en Espagne, puis vint rendre compte au roi de ce qui s’étoit passé durant le voyage.

De Saint-Jean de Luz, les princes allèrent à Acqs[1], où ils demeurèrent huit ou dix jours assiégés par les eaux. Là ils commencèrent à vivre avec plus de liberté, à manger quelquefois avec les jeunes seigneurs de leur cour et à se trouver affranchis de toutes les mesures qu’imposoit la présence du roi d’Espagne. Le duc de Noailles demeura leur conducteur comme l’avoit été jusque-là M. de Beauvilliers, qui, se trouvant toujours plus mal, avoit eu besoin de tout son courage pour venir jusqu’à la frontière, d’où il revint droit par le plus court, autant que sa santé le lui permit. Le roi d’Espagne emporta des lettres patentes enregistrées, pour lui conserver et à sa postérité leurs droits à la couronne, pareilles à celles qu’Henri III avoit emportées en Pologne, et qu’on en avoit dressé de toutes prêtes pour y envoyer à M. le prince de Conti.

La reine d’Espagne avoit écrit au roi les lettres les plus

  1. Acqs, ou Dax, ville du département des Landes. Les anciens éditeurs ont écrit Auch. Mais, outre le manuscrit de Saint-Simon, qui ne peut laisser aucun doute, nous trouvons la confirmation de cette leçon dans le passage suivant d’un journal qu’avait rédigé le duc de Bourgogne et qui a été publié dans le t. II, p. 93-250 des Cwriosités historiques, ou Recueil de pièces utiles à l’histoire de France (Amsterdam, 1759, 2 vol. in-18). Le lundi 24 janvier, nous partîmes de Bayonne, à six heures. nous arrivâmes à Dax (les éditeurs auront changé l’ancienne forme qui était Acqs), à sept heures du soir ; il plut tout le jour ; les chemins étoient horriblement mauvais. Le mardi 25, les eaux augmentèrent de telle sorte, que l’on ne pouvoit plus repasser le pont ni sortir de la ville ; elles augmentèrent encore le mercredi 26 et le jeudi 27 en sorte que la campagne en étoit toute couverte, et qu’on ne voyoit que la pointe des arbres. C’est donc à Dax que les princes sont arrêtés par les eaux, et c’est ce que dit le texte véritable dé Saint-Simon : Les princes allèrent à Acqs, où ils demenrérent huit ou dix jours assiégés par les eaux, »