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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 3.djvu/86

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et souvent la nourriture. Il excelloit particulièrement aux dévoiements invétérés et aux dysenteries. C’est à lui qu’on est redevable de l’usage et de la préparation diverse de l’ipécacuanha pour les divers genres de ces maladies, et le discernement encore de celles où ce spécifique n’est pas à temps ou même n’est point propre. C’est ce qui donna la vogue à Helvétius, qui d’ailleurs étoit un bon et honnête homme, homme de bien, droit et de bonne foi. Il étoit excellent encore pour les petites véroles et les autres maladies de venin, d’ailleurs médiocre médecin.

M. de Chevreuse dit au roi la résolution qu’il prenoit ; il l’approuva, et le rare est que Fagon même en fut bien aise, qui, dans une autre occasion, en seroit entré en furie ; mais comme il étoit bien persuadé que M. de Beauvilliers ne pouvoit échapper, et qu’il mourroit à Saint-Aignan, il fut ravi que ce fût entre les mains d’Helvétius, pour en triompher. Dieu merci, le contraire arriva.

Helvétius le trouva au plus mal ; en sept ou huit jours il le mit en état de guérison certaine et de pouvoir s’en revenir. Il arriva de fort bonne heure à Versailles, le 8 mars. Je courus l’embrasser avec toute la joie la plus vive.

Revenant de chez lui, et traversant l’antichambre du roi, je vis un gros de monde qui se pressoit à un coin de la cheminée : j’allai voir ce que c’étoit. Ce groupe de monde se fendit ; je vis Fagon tout débraillé, assis, la bouche ouverte, dans l’état d’un homme qui se meurt. C’étoit une attaque d’épilepsie.

Il en avoit quelquefois, et c’est ce qui le tenoit si barricadé chez lui, et si court en visites chez le peu de malades de la cour qu’il voyoit, et chez lui jamais personne. Aussitôt que j’eus aperçu ce qui assembloit ce monde, je continuai mon chemin chez M. le maréchal de Lorges, où entrant avec l’air épanoui de joie, la compagnie, qui y étoit toujours très nombreuse, me demanda d’où je venois avec l’air satisfoit. « D’où je viens ? répondis-je, d’embrasser un malade condamné qui se porte bien, et de voir le médecin condamnant