Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/208

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Tessé étoit dans Chambéry et avoit occupé presque toute la Savoie. Avant de partir il avoit été destiné à commander l’armée de M. de Vaudemont, qui, prévoyant les difficultés que la défection de M. de Savoie alloit apporter à la guerre d’Italie, ne vouloit pas s’exposer aux événements problématiques entre ses anciens protecteurs et ses nouveaux maîtres, et avoit pris son parti de se retirer à Milan et de s’y préparer à en emporter les dépouilles si nous le perdions ou à y demeurer le maître si ce duché restoit au roi d’Espagne. L’état de sa santé, dont il a tiré dans tous les divers temps un merveilleux parti, lui servit de prétexte, et Tessé, son ami, pour ne pas dire son client, eut ordre d’aller prendre le commandement de son armée quand il en seroit temps.

M. de Vendôme, avant de parvenir au généralat en chef, avoit fort pressé le roi de le faire maréchal de France. Le roi, sur le point de le faire, en fut retenu par la grandeur de ses bâtards et la similitude qu’il avoit avec eux. Il lui dit donc qu’après y avoir mieux pensé il trouvoit que le bâton ne lui convenoit point, et en même temps l’assura qu’il n’y perdroit rien. En effet, on a vu qu’il sut bien lui tenir parole ; ancré à la tête de l’armée d’Italie, et se voyant par son rang à un comble inespéré, il essaya d’obtenir une patente pour commander les maréchaux de France ; le roi, qui n’a élevé ses bâtards que par degrés, et qui de l’un n’a jamais imaginé de les porter à l’autre, se choqua de la proposition à ne laisser pas d’espérance la plus légère. Au commencement de cette campagne, Vendôme, jugeant que le mécontentement que sa demande avoit donné au roi étoit passé, en hasarda une autre modifiée. Il proposa une patente qui, sans être maréchal de France, puisque le roi avoit jugé qu’il ne lui convenoit pas de l’être, le remît au même droit que s’il l’avoit été, puisque Sa majesté lui avoit promis qu’il ne perdroit rien à ne l’être pas, c’est-à-dire qu’il le laissât obéir aux maréchaux de France plus anciens lieutenants généraux que lui, mais qu’il le fît commander à ceux d’entre eux qui