Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/210

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du Milanois avec patente de général des armées du roi d’Espagne, il ne commandoit ni obéissoit aux maréchaux de France ni à M. de Vendôme. Ils vivoient ensemble et agissoient de concert en partité[1] de commandement, presque jamais ensemble que peu de jours, et en passant, et Vaudemont toujours à Milan ou avec un corps séparé.

Lorsque Tessé, après avoir commandé peu de temps en Dauphiné, et occupé la Savoie, fut sur le point de passer à Milan, on vit un prodige de la faveur de Chamillart. On a vu en plus d’un endroit de ces Mémoires quelle avoit été la conduite de La Feuillade, et quel étoit l’éloignement du roi pour lui, jusqu’à avoir été empêché avec peine de le casser. Il faut se rapprocher encore ce qui se passa entre le roi et Chamillart, lorsqu’il eut défense de plus penser à ce mariage pour un homme qui ne le faisoit que par ambition, et pour qui le roi étoit déterminé à ne jamais rien faire, enfin avec quelle mauvaise grâce il consentit enfin par importunité que Chamillart en fît son gendre sans se départir de sa résolution. Le ministre aidé de sa toute-puissante protectrice, et du foible que le roi eut toujours pour ses ministres et pour lui plus que pour aucun qu’il ait jamais eu, si on en excepte le Mazarin, tourna si bien que, sous prétexte que La Feuillade avoit le gouvernement de Dauphiné, il lui en procura le commandement, et que de colonel réformé qu’il étoit trois mois auparavant, lorsqu’il fut fait maréchal de camp avec les autres, il le poussa au commandement en chef de deux provinces frontières, et d’un corps d’armée complet. Pour faire un peu moins crier, il ne mit sous lui que deux maréchaux de camp, ses cadets ; la surprise de la cour fut extrême, celle des troupes ne fut pas moindre, ni l’étonnement amer des premiers officiers généraux. La Feuillade prit Annecy avec quelques volées de canon, et nettoya quelques petits postes que Tessé avoit exprès laissés pour faire

  1. Partage du commandement.