Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 4.djvu/60

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L’autre s’en défendit, et dit enfin que Mme de Maintenon y devoit aller. La maréchale insiste, et dit que cela étoit plaisant, comme si Mme de Maintenon pouvoit voir et remarquer tout ce qui seroit ou ne seroit pas à la chapelle. Les voilà au jeu. Au sortir du salut, Mme de Maintenon, qui presque jamais n’alloit nulle part, s’avise d’aller voir la maréchale de Villeroy, devant l’appartement de qui elle passoit au pied de son degré. On ouvre la porte et on l’annonce ; voilà un coup de foudre pour la princesse d’Harcourt. « Je suis perdue, s’écria-t-elle de toute sa force, car elle ne pouvoit se retenir ; elle me va voir jouant, au lieu d’être au salut, » laisse tomber ses cartes, et soimême dans son fauteuil tout éperdue. La maréchale riait de tout son cœur d’une aventure si complète. Mme de Maintenon entre lentement, et les trouve en cet état avec cinq ou six personnes. La maréchale de Villeroy, qui avoit infiniment d’esprit, lui dit qu’avec l’honneur qu’elle lui faisoit, elle causoit un grand désordre ; et lui montre la princesse d’Harcourt en désarroi. Mme de Maintenon sourit avec une majestueuse bonté, et s’adressant à la princesse d’Harcourt : « Est-ce comme cela, lui dit-elle, madame, que vous allez au salut aujourd’hui ?  » Là-dessus la princesse d’Harcourt sort en furie de son espèce de pâmoison ; dit que voilà des tours qu’on lui fait, qu’apparemment Mme la maréchale de Villeroy se doutoit bien de la visite de Mme de Maintenon, et que c’est pour cela qu’elle l’a persécutée de jouer, pour lui faire manquer le salut. « Persécutée ! répondit la maréchale, j’ai cru ne pouvoir vous mieux recevoir qu’en vous proposant un jeu ; il est vrai que vous avez été un moment en peine de n’être point vue au salut, mais le goût l’a emporté. Voilà, madame, s’adressant à Mme de Maintenon, tout mon crime, » et de rire tous, plus fort qu’auparavant. Mme de Maintenon, pour faire cesser la querelle, voulut qu’elles continuassent de jouer ; la princesse d’Harcourt, grommelant toujours, et toujours éperdue, ne savoit ce qu’elle faisoit, et la furie