Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/13

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Il fut donc résolu de faire attaquer, la nuit du 1er au 2 mars, le fort de l’Isle, gardé par deux bataillons de Savoie ; il fut escaladé et emporté. Tout y fut tué, excepté deux cents soldats et vingt-quatre officiers qu’on prit en même temps ; leur pont fut rompu à coups de canon ; huit bateaux emportés par le courant, et la communication de Crescentin à Verue coupée. On s’établit dans le fort ; et en même temps deux compagnies de grenadiers, soutenues de deux bataillons, montèrent aux brèches de la grande attaque et entrèrent jusque dans la seconde enceinte, où ils tuèrent une cinquantaine de soldats. Les grenadiers, qui n’avoient ordre que de reconnoître, se retirèrent et perdirent peu en cette action, qui fut brusque et peu attendue. Aucun de leurs fourneaux ne joua. Cette expédition faite, on commença d’espérer avec raison une bonne et prompte issue de ce long siège, qui n’en donnoit aucune auparavant. Il dura pourtant encore tout le mois (cinq et demi en tout). On n’en avoit point vu de si long à beaucoup près de ce règne, ni de si ruineux en tout. Enfin, le 5 avril, ils battirent la chamade. Ils demandèrent une capitulation honorable, mais M. de Vendôme, qui les tenoit à la fin, les voulut prisonniers de guerre. Ils continuèrent donc à se défendre jusqu’au 9, qu’eux-mêmes mirent le feu à leurs fourneaux et renversèrent toute la place, excepté le donjon, après quoi ils se rendirent à discrétion. Ainsi le siège dura six mois moins cinq jours. Il ne fut plus question après que de mettre, et pour longtemps, en quartier les troupes -rainées de ce long siège, dans le temps qu’il falloit avoir déjà mis en campagne, à quoi on suppléa comme l’on put, mais qui fit un grand tort aux troupes et aux opérations de la campagne suivante.

Trois semaines après, le prince Eugène arriva en Italie avec un puissant renfort pour profiter de l’épuisement de notre principale armée, et du délabrement des troupes qui avoient fait ce long et pénible siège. Cela n’empêcha