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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/130

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Il se contenta d’une lettre ostensible et d’une autre pour le roi. Tout cela fut très-médiocrement reçu.

La vérité est qu’il se craignit trop lui-même ; il redouta une trop favorable réception. Après tant d’années de pénitence, il ne se sentit pas assez dépouillé d’un reste de complaisance de sa faveur et de ses agréments passés qui l’avoient tant dominé autrefois. Il avoit refusé Mme de Maintenon, il avoit peu d’années, d’un commerce de bonnes œuvres qu’elle avoit voulu lier avec lui. Il appréhenda tout autre commerce qu’avec Dieu, pour qui il voulut réserver sa liberté entière, et peut-être y fut-il conduit par son esprit pour le purifier par une plus dure pénitence et qui ne seroit pas de son choix.

Revenons au cardinal de Noailles. L’année précédente, 1705, avoit été celle de la grande assemblée du clergé. Le cardinal de Noailles, qui y présida, crut en devoir profiter pour y faire régler divers points de morale et de discipline, quoique ces assemblées ne soient destinées qu’aux affaires temporelles du clergé ; que ceux qui y sont députés n’aient point d’autres matières dans les procurations qu’ils y apportent de leurs commettants ; et que la cour même soit ordinairement en garde contre tout ce qui s’y pourroit proposer qui ne concerneroit pas l’objet temporel de ces assemblées. Ce projet du cardinal n’étoit pas de lui seul. De plus, il avoit fallu le concerter d’avance avec quelques prélats principaux qui devoient être de l’assemblée, et convenir de la manière de le proposer par articles, et le faire passer peu à peu. Les jésuites, toujours à l’affût sur le cardinal de Noailles et sur tout ce qui pouvoit intéresser leur doctrine et leur morale, pénétrèrent ce projet, dans le secret duquel il se trouva quelque faux frère qui le leur donna tel qu’il devoit être proposé à l’assemblée. Le P. de La Chaise en parla au roi, qui, en ce temps-là aimoit fort le cardinal de Noailles, et qui s’éleva tellement contre cet avis de son confesseur, que La Chaise, homme sage et prudent, se tut