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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/262

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sous Médavy, et ce qu’il avoit dit et écrit là-dessus, qu’après avoir commandé les armées, il ne pouvoit plus servir en ligne de lieutenant général ; et toutefois dans cet état de disgrâce, il n’y eut sorte de moyens qu’il ne tentât, de bassesses qu’il ne fît pour se raccrocher. Il eut celle de se plaindre de son sort et de faire son apologie à chacun qui ne s’en soucioit guère, et après s’être fait envier et craindre, il se fit mépriser sans faire pitié. Je ne crois pas qu’il y ait eu de plus folle tête, ni de plus radicalement malhonnête homme jusque dans les moelles des os. Retournons maintenant à ce qui est demeuré en arrière pour ne pas interrompre le récit de toute cette catastrophe d’Italie, qui suivit de bien près celle de Barcelone et de Flandre.

La fantaisie avoit pris à l’électeur de Cologne d’aller voyager à Rome. Il n’avoit plus d’États à lui où se tenir ; il aimoit mieux se promener que le séjour de nos villes de Flandre. Il arriva donc à Paris, au milieu de septembre, tout à fait incognito, et logea chez son envoyé. Dix ou douze jours après, il alla dîner chez Torcy, à Versailles, puis attendre l’heure de son audience dans l’appartement de M. le comte de Toulouse. Il ne voulut point être accompagné de l’introducteur des ambassadeurs. Torcy le mena dans le cabinet du roi par les derrières, suivi des trois ou quatre de sa suite les plus principaux. Les courtisans ayant les entrées, qui voulurent, étoient dans le cabinet avec Monseigneur et Mgrs ses fils. Le roi, toujours debout et découvert, le reçut avec toutes les grâces imaginables, et en lui nommant ces trois princes, ajouta : « Voilà votre beau-frère, vos neveux et moi, qui suis votre proche parent ; vous êtes ici dans votre famille. » Après un peu de conversation, il le mena par la galerie chez Mme la duchesse de Bourgogne, qui le reçut debout, et qu’il ne salua point, à cause de la présence du roi devant qui elle ne baise personne. Il fut ensuite chez Madame, qui s’avança au-devant de lui dans sa chambre. Elle le baisa et causa fort longtemps avec lui en