Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/276

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vèrent pas de différents avis. Le masque tomba ; mais comme le roi, toujours prévenu et voulant encore plus l’être donnoit le ton à tous, que les appuis de Vendôme étoient connus et craints, et que le nombre des sots et des gens bas est toujours le plus grand, Vendôme, déchu de tout en effet, demeura toujours héros en titre. Son frère ne fut pas longtemps à Rome sans s’y ennuyer. Il n’y trouva ni complaisance ni considération ; ses prétentions de rang l’écartèrent et le séparèrent ; sa réputation, secondée de la vie qu’il y mena et dont il ne pouvoit et n’eût même daigné se défaire, le fit mépriser. Il s’en alla à Gènes où il espéra être mieux reçu et vivre plus à son aise.

Je me garderois bien de barbouiller ce papier de l’opération de la fistule que maréchal fit à Courcillon, fils unique de Dangeau, en sa maison de la ville à Versailles, sans l’extrême ridicule dont elle fut accompagnée. Courcillon étoit un jeune homme fort brave, qui avoit un des régiments du feu cardinal de Fürstemberg qui valoit fort gros. Il avoit beaucoup d’esprit et même orné, mais tout tourné à la plaisanterie, à bons mots, à méchanceté, à impiété, à la plus sale débauche, dont cette opération passa publiquement pour être le fruit.

Sa mère dont j’ai parlé à l’occasion de son mariage, étoit dans la privance de Mme de Maintenon la plus étroite ; toutes deux seules de la cour et de Paris ignoroient la vie de Courcillon. Mme de Dangeau, qui l’aimoit passionnément, étoit fort affligée et avoit peine à le quitter des moments. Mme de Maintenon entra dans sa peine, et se mit à aller tous les jours lui tenir compagnie au chevet du lit de Courcillon, jusqu’à l’heure que le roi alloit chez elle, et très souvent dès le matin y dîner. Mme d’Heudicourt, autre intime de Mme de Maintenon et dont j’ai parlé aussi, y fut admise pour les amuser, et presque point d’autres. Courcillon les écoutoit, leur parloit dévotion et des réflexions que son état lui faisoit faire ; elles de l’admirer et de publier que c’étoit