Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/343

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La nécessité, qui fait chercher des ressources aux rois comme aux particuliers, avoit mis en besogne un chercheur de mines, nommé Rodes, qui crut ou qui fit accroire avoir trouvé beaucoup de veines d’or dans les Pyrénées. Il manda en ce temps-ci à Chamillart qu’elles étoient tellement abondantes que, moyennant dix-huit cents travailleurs qu’il lui demandoit, il fourniroit un million par semaine. Cinquante-deux millions par an étoit une belle augmentation de revenu. La flatterie des gens du pays confirma une si folle avance. On y prêta ses espérances, qui ne durèrent pas longtemps. On en fut pour de la dépense ; on s’y opiniâtra. Elle demeura enfin en pure perte, et on n’en parla plus.

J’ai parlé plus haut de l’exil à Paris de Mme de Caylus, et de la pension qu’elle eut pour quitter la direction du P. de La Tour. Tant qu’elle dura, ce fut un ange qui ne se lassoit point de prières, d’austérités, de toutes sortes de bonnes œuvres, d’une solitude qui lui faisoit pleurer amèrement le temps qu’elle croyoit perdu en des délassements avec des personnes de la plus grande piété, qui auroit pu passer pour un temps bien employé, et auquel elle se laissoit aller si rarement. Lorsqu’elle fut en d’autres mains, l’ennui succéda au goût de la prière, de la solitude et des bonnes œuvres. Elle se laissa aller à des rendez-vous en borine fortune avec Mme de Maintenon à Versailles ou à Saint-Cyr, mais sans découcher de Paris, qu’elle avoit jusqu’alors constamment refusés, puis à aller passer quelque temps à Saint-Germain avec le duc et la duchesse de Noailles. À la fin, Mme de Maintenon, contente de son obéissance, la fit revenir. Elle l’avoit toujours aimée ; elle fut ravie d’avoir lieu de finir son éloignement.

Elle eut un logement ; mais elle demeura enfermée chez Mme de Maintenon ou chez Mme d’Heudicourt. Peu à peu elle s’élargit chez les Noailles à des heures solitaires, puis de même chez M. d’Harcourt, dont la femme et feu Caylus étoient enfants des deux sœurs. Sa beauté, ses agréments,