Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/346

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qui avoit su profiter de la rareté des sujets militaires en Espagne, pour s’y pousser promptement par son application et par de petits succès, et il parvint jusqu’au grade de capitaine général, qui est le plus élevé de tous en Espagne dans les armées, et, ce qui est énorme, à l’ordre de la Toison d’or. D’ailleurs il devint capable, bon général, et servit fort utilement.

Tout à la fin de janvier, le frère du maréchal de Villars entra au port Mahon avec trois vaisseaux de guerre et neuf cents soldats, mit pied à terre sous un gros feu de canon qu’il essuya, prit cinq cents hommes qui étoient dans la place, et avec ces quatorze cents hommes en alla attaquer cinq mille, presque toutes milices du pays, força plusieurs retranchements qu’ils avoient devant eux, et leur tua cinq cents hommes. Le reste s’enfuit dans leurs villages, d’où presque tous envoyèrent leurs armes. Il y avoit plusieurs moines parmi eux qui se distinguèrent par leur opiniâtreté. Ceux qu’on prit, on les fit tous passer par les armes, personne n’ayant voulu servir de bourreau pour les pendre. Ainsi toute l’île de Minorque rentra sous la domination du roi d’Espagne. Cent cinquante Castillans de la place firent merveilles contre les rebelles. Trois mois après, on y découvrit une conspiration du major de la place qui la vouloit livrer aux partisans de l’archiduc. Le gouverneur espagnol, qui s’y conduisit fort bien, aidé de deux bataillons françois qui étoient dans l’île, marcha aux rebelles, les dissipa, fit pendre le major et plusieurs de ses complices, et prit plusieurs moines qui étoient du complot, dont il fit passer quelques-uns en France.

Peu de jours après la réduction de l’île de Minorque, il arriva à Brest un vaisseau du Mexique dépêché par le duc d’Albuquerque, vice-roi de ce pays, chargé de beaucoup d’argent pour le roi d’Espagne et pour les Espagnols. Il fit partir ce secours ayant appris la nouvelle que le roi d’Espagne étoit errant hors de Madrid. Pontchartrain, qui en eut l’avis,