Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/36

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affaires à Naples, pour lesquelles, disoit-il, il l’y avoit envoyé pour y travailler sous ses ordres et ceux du duc d’Uzeda, ambassadeur d’Espagne à Rome. Cette gaze n’empêcha pas tout Rome de voir fort clair à travers. Les affaires de Naples y durèrent jusqu’à ce qu’on eût mis l’abbé de La Trémoille en sûreté, ce qui fut long, parce que l’inquisition avoit déjà commencé d’agir, et que la duchesse de Bracciano qui, depuis la vente de ce duché à don Livio Odescalchi, à condition d’en quitter le nom, avoit pris celui de princesse des Ursins, continuoit à remuer tout ce quelle pouvoit contre son frère. Il fallut donc lui faire entendre raison là-dessus, ce qui ne fut pas aisé : à la fin, contente de lui avoir fait la peur entière, et de lui avoir montré ce qu’elle savoit faire, elle consentit de le recevoir à pardon. Alors il revint à Rome, et reprit, mais à son ordinaire, les fonctions de son emploi ; la terreur qui lui étoit restée, et la vie qu’il continuoit de mener la même, le rendirent souple à l’égard de Mme des Ursins, mais avec un commerce froid et rare de la plus simple bienséance.

Ils en étoient en ces termes depuis quatre ans, sans s’être plus rapprochés, lorsque Mme des Ursins partit de Rome pour aller joindre la reine d’Espagne, et la conduire au roi son époux. Ce fut une délivrance pour l’abbé de La Trémoille. L’absence ne les avoit pas réchauffés, et ils en étoient là ensemble lors du triomphe de Mme des Ursins qui, ne se pouvant venger des Estrées, fut réduite pour sa propre gloire, et pour mieux consolider sa toute-puissance par des choses de grand éclat, de les faire tomber sur ses frères ; haïssant l’un et en étant haïe, et se souciant très médiocrement de l’autre. Tel étoit donc l’abbé de La Trémoille à Rome, c’est-à-dire dans le dernier mépris, et perdu d’honneur et de réputation, lorsque sa sœur entreprit de le faire cardinal. On se souviendra de ce que j’ai rapporté en son lieu, de l’opposition formelle et constante que le roi apportoit depuis plusieurs années à la promotion du duc de Saxe-