Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/447

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

d’exercer sur ces mêmes actes un contrôle qui se traduisoit quelquefois par le refus de l’enregistrement. Il falloit alors que le roi vînt en personne au parlement pour forcer les magistrats de transcrire la loi sur leurs registres. Il est nécessaire de rappeler les origines et les vicissitudes de cette prétention des parlements.

Avant le règne de saint Louis, il n’est pas question de registres sur lesquels on inscrivît les ordonnances des rois ou les arrêts des tribunaux. On les écrivoit sur des feuilles de parchemin que l’on rouloit et que l’on déposoit dans le trésor des chartes. Pour constater l’authenticité d’un acte, on ne disoit pas qu’il avoit été enregistré ou inscrit sur les registres du parlement, mais qu’il avoit été placé dans le dépôt des actes publics (depositus inter acta publica). Étienne Boileau, prévôt de Paris sous le règne de saint Louis, fut le premier qui fit transcrire sur des registres les actes de sa juridiction. Le parlement de Paris fit faire, vers le même temps, un recueil de ses arrêts, connu sous le nom d’Ohm, et qui a été publié dans le recueil des Documents inédits relatifs à l’histoire de France. Au commencement du XIVe siècle, le même corps fit dresser un registre des ordonnances royales qui devoient servir de règle à ses jugements. L’ordonnance, après avoir été lue en présence de la cour, étoit transcrite sur les registres du parlement. Dès 1336, on trouve au bas d’une ordonnance de Philippe de Valois la formule suivante : « Lu par la chambre et enregistré par la cour de parlement dans le livre des ordonnances royales. » (Lecta per cameram, registrata per curiam parliamenti in libro ordinationum regiarum.)

De cet usage de la transcription sur ses registres, le parlement passa, au commencement du XVe siècle, au droit de soumettre à son contrôle et même de rejeter une ordonnance royale. Pendant les troubles du règne de Charles VI, le parlement, devenu permanent, prétendit qu’il avoit le droit de refuser l’enregistrement d’une ordonnance royale ; il la frappoit ainsi de nullité et n’en tenoit aucun compte dans ses arrêts. Même sous Louis XI, en 1462, le parlement de Paris refusa d’enregistrer un don fait par le roi au duc de Tancarville ; il fallut un ordre exprès de Louis XI pour l’y contraindre. Dans la suite, toutes les fois que la royauté rencontra dans le parlement une résistance de cette nature, elle en triompha par une ordonnance spéciale, et alors, en mentionnant l’enregistrement, on ajoutoit la formule : Du très exprès commandement du roi. Souvent même, pour vaincre l’opposition des parlements, les rois allèrent y tenir des lits de justice, où ils faisoient enregistrer les ordonnances en leur présence.

Le droit de remontrances étoit étroitement lié à celui d’enregistrement et datoit du même temps. Avant de céder aux ordres du roi, le parlement lui adressoit de très humbles remontrances, pour lui exposer