Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 5.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

glissa, la contrainte et les exhortations suivirent. L’esprit et la souplesse remirent tout au premier état ; mais il arriva un malheur. La belle-fille écrivit de Paris à sa belle-mère à Versailles avec des tendresses et des soumissions infinies, et à une de ses amies en même temps les plaintes d’être soumise à une mégère enragée dont la tyrannie de belle-mère étoit insupportable, les caprices et les folies, et avec qui enfants ni domestiques n’avoient jamais pu durer. Aucun terme, aucun temps de la vie et de la conduite de la princesse d’Harcourt n’y étoit ménagé, et le tout paraphrasé avec beaucoup d’esprit, de sel et de tour, en personne qui se divertit et se soulage. L’amie reçut la lettre qui étoit pour la belle-mère, et celle-ci celle qui étoit pour l’amie ; on s’étoit mépris au-dessus. Voilà la princesse d’Harcourt transportée de furie, qui fut assez peu maîtresse d’elle-même pour ne s’en pouvoir taire, en sorte que l’aventure devint publique à la cour, où elle étoit crainte et abhorrée, et où on s’en divertit fort. Elle ne trouva pas plus de consolations dans la maison de Lorraine, enragée de ce bas mariage. Elle retomba cruellement sur sa belle-fille, qui fut étrangement consternée, mais qui au bout de quelques mois reprit ses esprits, et qui, voyant qu’il n’y avoit plus de vraie réconciliation ni de duperie à espérer, gagna son mari aussi impatient qu’elle de ce joug, serrèrent tous deux leurs écus, dont ils tâchoient souvent de l’apaiser, levèrent le masque et se moquèrent d’elle. Le prince d’Harcourt, enfoui dans son obscurité et ses débauches, toujours absent, ne se soucioit ni d’eux ni de sa femme, et ne s’en mêla point. Ainsi la comtesse d’Harcourt se mit en liberté et en profita avec peu de mesure.

Depuis que le P. Le Comte avoit perdu sa place de confesseur de Mme la duchesse de Bourgogne, pour aller tâcher de se justifier à Rome de ce qu’il avoit écrit sur les affaires des jésuites de la Chine, avec tous les autres missionnaires, comme je l’ai rapporté en son temps, elle en avoit essayé