CHAPITRE XVII.
Cette lettre d’Albéroni inonda en peu de jours la cour, la ville, les provinces. Deux jours après qu’elle eut commencé à se débiter et à étonner par sa hardiesse, il s’en distribua une autre, mais avec grande mesure. J’en vis une entre les mains du duc de Villeroy. Il ne l’avoit que pour quelques heures avec promesse de n’en point laisser tirer de copies, et je jugeai qu’elle lui venoit de Bloin, son grand ami de table et de plaisir. Elle étoit de Campistron, qui ne s’en cachoit pas, et qui en étoit donné pour auteur par ceux qui la montroient. Campistron étoit de ces poètes crottés qui meurent de faim et qui font tout pour vivre. L’abbé de Chaulieu l’avoit ramassé je ne sais où, et l’avoit mis chez le grand prieur, d’où, sentant que la maison crouloit, il en étoit sorti comme les rats et s’étoit fourré chez M. de Vendôme. Quoique son écriture ne fût pas lisible, il étoit devenu son secrétaire, inconvénient qui dans la suite valut toute la confiance de M. de Vendôme à Albéroni, auquel il dictoit les lettres qu’il ne vouloit pas exposer aux copistes de Campistron. Sa lettre étoit bien écrite pour le style, écrite même en homme