Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 6.djvu/432

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ne lui dis que trop vrai. Une vie si opposée à celle qu’elle avoit toujours, menée et si contraire à la nature, à laquelle rien n’étoit accordé, la tua en deux ou trois ans. Son P. Poulinier, qui ne la voulut jamais croire mal, ne prit pas la peine de la voir en sa dernière maladie ; elle reçut tous ses sacrements sans lui. Peu avant de mourir elle me demanda ; elle oublia que j’étois à la Ferté ; j’eus une douleur extrême de sa perte et de m’être trouvé absent. Sa mort fut celle des justes, et avec toute sa connoissance et les plus grands sentiments. Ses amis, en très grand nombre, en furent amèrement touchés ; elle n’avoit que soixante ans.

La comtesse de Beuvron ne tarda pas à la suivre. Son nom étoit Rochefort, d’une bonne noblesse de Guyenne, et on voyoit bien encore qu’elle avoit été belle, à soixante-dix ans qu’elle mourut. Elle avoit été fille de la reine ; on l’appeloit Mlle de Théobon. Le comte de Beuvron l’épousa, celui dont j’ai parlé à l’occasion de la mort de la première femme de Monsieur, dont le chevalier, depuis comte de Beuvron, étoit capitaine des gardes. Elle étoit veuve depuis longtemps, et sans enfants, avec fort peu de bien. C’étoit une femme de beaucoup d’esprit et de monde, de fort bonne compagnie, pour qui Madame prit la plus grande et la plus constante amitié. Elle lui écrivoit tous les jours sans y jamais manquer, lorsqu’elle n’étoit pas auprès d’elle. Les intrigues du Palais-Royal l’avoient éloignée plusieurs années de Madame, comme je l’ai raconté à l’occasion de ce qu’elle la prit auprès d’elle, avec la maréchale de Clérembault, à la mort de Monsieur qui lui avoit défendu de les voir. La comtesse de. Beuvron étoit toujours demeurée dans la plus grande union avec la famille de son mari, et étoit comptée dans le monde. Elle étoit extrêmement de mes amies. Elle en avoit, et en méritoit, qui la regrettèrent fort. D’ailleurs c’étoit une femme qui avoit bec et ongles, très éloignée d’aucune bassesse, assez informée, mais qui aimoit fort le jeu.

Fort tôt après mourut le comte de Marsan, frère cadet de