Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/127

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dans la grand’chambre, par députés des autres chambres. La résolution y fut prise d’envoyer offrir au roi que des conseillers allassent par l’étendue du ressort, et à leurs dépens, faire la visite des blés, y mettre la police, punir les contrevenants aux édits ; et de joindre une liste de ceux des conseillers qui s’offroient à ces tournées, par départements séparés. Le roi, informé de la chose par le premier président, s’irrita d’une façon étrange, voulut envoyer une dure réprimande au parlement et lui commander de ne se mêler que de juger des procès. Le chancelier n’osa représenter au roi combien ce que le parlement vouloit faire étoit convenable, et combien cette matière étoit de son district, mais il appuya sur l’affection et le respect avec lequel le parlement s’y présentoit, et il lui fit voir combien il étoit maître d’accepter ou de refuser ses offres. Ce ne fut pas sans débat qu’il parvint à calmer le roi, assez pour sauver la réprimande ; mais il voulut absolument que le parlement fût au moins averti de sa part qu’il lui défendoit de se mêler des blés. La scène se passa en plein conseil, où le chancelier parla seul, tous les autres ministres gardant un profond silence ; ils savoient apparemment bien qu’en penser, et se gardèrent bien de rien dire sur une affaire qui regardoit le ministère particulier du chancelier. Quelque accoutumé que fût le parlement ainsi que tous les autres corps aux humiliations, celle-ci lui fut très-sensible. Il y obéit en gémissant.

Le public n’en fut pas moins touché, il n’y eut personne qui ne sentît que si les finances avoient été nettes de tous ces cruels manèges, la démarche du parlement ne pouvoit qu’être agréable au roi et utile, en mettant cette compagnie entre lui et son peuple, et montrant ainsi qu’on n’y entendoit point finesse, et cela sans qu’il en eût rien coûté de solide, ni même d’apparent à cette autorité absolue et sans bornes dont il étoit si vilement jaloux.

Le parlement de Bourgogne, voyant la province dans la plus extrême nécessité, écrivit à l’intendant, qui ne s’en