Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/134

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Malgré tant de différence d’âge et d’emplois, et de liaisons encore qui n’étoient pas les mêmes, j’étois ami intime du maréchal de Boufflers. Je fus donc ravi de sa gloire et de ses récompenses. Il n’ignoroit pas combien j’étois blessé de la multiplication des ducs et pairs, et j’oserai dire qu’il se trouva flatté de ma joie de le voir revêtu de la pairie. Il crut aussi, par ce qu’il s’étoit passé en diverses choses de cette dignité, que j’y entendois quelque chose, tellement qu’en retournant en Flandre pour ce projet de reprendre Lille, qui n’eut pas lieu, il me pria en son absence de voir ses lettres d’érection, qu’il avoit chargé le président Lamoignon de projeter, et me demanda avec confiance, et comme un vrai service, de vouloir bien travailler à les dresser avec La Vrillière, secrétaire d’État en mois [1], qui les devoit expédier, qui étoit mon ami particulier, et qui voudroit bien m’en croire.

Nous les dressâmes donc La Vrillière et moi le plus avantageusement et fortement qu’il fut possible, sans outrepasser en rien dans les clauses ce que le roi avoit bien voulu accorder, mais que nous exprimâmes avec toute la netteté et la clarté qui s’y put répandre.

Dès que le maréchal fut de retour, je lui conseillai de faire un effort sur sa santé pour se faire recevoir au parlement le jour même que ses lettres y seroient enregistrées, parce qu’il s’épargneroit une double fatigue de visites, et que, après le péril où il avoit été dans sa maladie en Flandre, il n’étoit pas sage de différer un enregistrement dont dépendoit la réalité de sa dignité, ni sa réception qui fixoit son rang et des siens pour toujours. Il me crut et me pria de le conduire sur l’une et sur l’autre, et d’être aussi le premier de ses quatre témoins.

Je fus très-sensible à cet honneur ; ainsi je ne voulus pas

  1. Les quatre secrétaires d’État étaient chargés par mois, à tour de rôle, de tenir la plume au conseil et d’en expédier les ordonnances.