Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/164

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commerce que les guerres civiles ne détruisent jamais dans les différents partis, et celui que les divers intervalles de guerre y multiplièrent sous le nom de paix, introduisit dans le parti catholique l’habitude de l’autre sur ce nom de M. le Prince tout court, en parlant du prince de Condé, qui s’établit ainsi par toute la France et jusqu’à Paris et à la cour.

Ce second prince de Condé mourut à Saint-Jean d’Angély, 5 mars 1588, à trente-six ans, et laissa un fils posthume, qui fut le troisième prince de Condé, père du héros et grand-père de celui dont on vient de rapporter la mort. Avec le nom de son père, il hérita de l’habitude générale, et fut comme lui appelé M. le Prince tout court. Henri IV, étant monté sur le trône, le voulut dérober aux huguenots, qui n’avoient que lui de prince du sang, mais en trop bas âge pour être leur chef que de nom. Il étoit premier prince du sang, fils du cousin germain d’Henri IV, et personne alors entre la couronne et lui. Henri IV le fit venir à Saint-Germain, et prit grand soin de son éducation : il n’avoit alors que huit ans, et c’étoit à la fin de 1595. Arrivé dans cet usage, qui avoit si généralement prévalu d’être appelé tout court M. le Prince, et n’ayant au-dessus de lui que le roi, ce même usage se continua qui a duré toute sa vie, et qui a passé à son fils, et de celui-là à son petit-fils.

Le comte de Soissons étoit son oncle paternel, fils du second mariage du premier prince de Condé avec une Longueville, qui fut toujours du parti catholique. L’émulation qui ne se trouve que trop souvent dans les cadets d’une autre mère et dans les principaux des partis différents, piqua ce prince de voir son aîné M. le Prince tout court, et le porta à imaginer sur cet exemple à se donner aussi un nom singulier. Il se fit donc appeler M. le Comte tout court par ses domestiques, puis par ses créatures, par ses amis, enfin par la maison de Longueville et par ses parents. Rien n’égale la promptitude et la facilité des François à suivre les