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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/191

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et d’anéantir l’héritier nécessaire de la couronne, sans avoir jamais reçu de lui que des marques de bonté et uniquement pour s’établir sur ses ruines, et triomphé huit mois durant de lui avec l’éclat et le succès le plus scandaleux, on vit cet énorme colosse tomber par terre, par le souffle d’une jeune princesse sage et courageuse, qui en reçut les applaudissements si bien mérités. Tout ce qui tenoit à elle fut charmé de voir ce dont elle étoit capable, et ce qui lui étoit opposé et à son époux en frémit. Cette cabale si formidable, si élevée, si accréditée, si étroitement unie pour les perdre et régner après le roi sous Monseigneur en leur place, au hasard de se manger alors les uns les autres à qui les rênes de la cour et du royaume demeuroient ; ces chefs mâles et femelles, si entreprenants, si audacieux, et qui, par leur succès, s’étoient tant promis de grandes choses, et dont les propos impérieux avoient tout subjugué, tombèrent dans un abattement et dans des frayeurs mortelles. C’étoit un plaisir de les voir rapprocher avec art et bassesse, et tourner autour de ceux du parti opposé qu’ils jugeoient y tenir quelque place, et que leur arrogance leur avoit fait mépriser et haïr, surtout de voir avec quel embarras, quelle crainte, quelle frayeur ils se mirent à ramper devant la jeune princesse, tourner misérablement autour de Mgr le duc de Bourgogne et de ce qui l’approchoit de plus près, et faire à ceux-là toutes sortes de souplesses.

M. de Vendôme, sans ressource que celle qu’il chercha dans ses vices et parmi ses valets, ne laissa pas de se vanter souvent parmi eux de l’amitié de Monseigneur, dont il étoit, disoit-il, bien assuré, et de la violence qui avoit été faite à ce prince à son égard. Il en étoit réduit à cette misère d’espérer que cela se répandroit par eux dans le monde, qu’on se le persuaderoit, et que la considération du futur lui donneroit de la considération. Mais le présent lui étoit insupportable. Pour s’en tirer il songea au service d’Espagne ; il écrivit à la princesse des Ursins pour se faire demander. On